La Maison-Blanche ne le dira pas explicitement, pas plus que ne le dira la Drug Enforcement Administration, chargée de la lutte anti-drogue. Pourtant, le changement de la politique américaine concernant la consommation de marijuana à des fins médicales serait dans l'air sur fond de polémique.

Pour le Pr Mark Kleiman, de l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA), le message est clair: «la politique fédérale n'est plus de s'attaquer aux hippies».

Allez le dire aux agents de la Drug Enforcement Administration (DEA). En Californie, la semaine dernière, des inspecteurs de la DEA ont perquisitionné quatre dispensaires de Los Angeles et saisi 225 kilos d'«herbe».

«C'est un peu surprenant, je pense que l'actuelle direction de la DEA n'a pas reçu le message», a poursuivi le Pr Kleiman, ancien responsable du département de la Justice, expert en criminalité et toxicomanie. «Le message est que l'heure n'est plus à la guerre anti-drogue. Nous ne menons pas une croisade culturelle contre la «fumette'«.

La loi californienne autorise la vente de marijuana à des fins médicales, bien que ce soit toujours en désaccord avec la loi fédérale. Treize États américains autorisent l'utilisation de marijuana dans un cadre médical. Mais la Californie est le seul à disposer de pharmacies, des commerces qui vendent de la marijuana et qui font même de la publicité pour ça.

Si elles sont en conformité avec la loi californienne, ces pharmacies sont en revanche toujours en infraction avec la loi fédérale. «Quiconque détient, distribue ou cultive de la marijuana pour quelque raison que ce soit viole la loi fédérale», a souligné Sarah Pullen, porte-parole de la DEA à Los Angeles.

C'est peut-être la loi, mais c'est en contradiction avec la position du nouveau président américain sur l'utilisation médicale de la marijuana.

«Le président (Obama) pense que les ressources fédérales ne doivent pas servir à contourner les lois des différents états et, à l'heure où il finit de nommer les membres du gouvernement fédéral, il souhaite que ces derniers réexaminent leur politique avec cette notion en tête», a déclaré le porte-parole de la Maison-Blanche, Nick Shapiro, confirmant des propos antérieurs. Les responsables de la DEA se sont refusé à tout commentaire.

Quand il n'était que candidat à la présidence, Obama avait promis à maintes reprises un changement dans la politique fédérale des toxicomanies. «Je pense que l'utilisation médicale de marijuana dans le même but et avec les mêmes contrôles que pour d'autres médicaments prescrits par les médecins est appropriée», avait-il déclaré en mars 2008 au «Mail Tribune of Medford» (Oregon).

Un an plus tôt, lors de la campagne dans le New Hampshire, Obama avait par ailleurs déclaré: «Je ne souhaite pas que le département de la Justice poursuive ou perquisitionne chez les utilisateurs de marijuana à des fins médicales».

A 47 ans, Obama appartient à une génération qui a connu une certaine banalisation du cannabis. Dans ses mémoires «Les rêves de mon père», le futur président des États-Unis se décrit comme un adolescent se débattant avec des questions liées à la couleur de sa peau et à son identité. Il avoue s'être tourné vers les drogues, notamment la cocaïne et la marijuana, pour «chasser de son esprit les questions sur mon identité».

Obama n'annoncera probablement pas de changement dans la politique fédérale avant l'arrivée d'un nouveau patron pour la DEA et la nomination d'un responsable des drogues. On sait déjà que l'administration Obama changera de stratégie concernant l'utilisation médicale de marijuana, à défaut de changer la loi.

Pour Philip Heymann, ancien numéro deux du département de la Justice dans l'administration Clinton, aujourd'hui professeur à Harvard, il est temps pour la DEA de concentrer ses efforts sur la lutte contre les drogues plus dangereuses que la marijuana: «J'espère qu'Obama va nommer un administrateur qui prenne moins au sérieux la marijuana que ne le fait traditionnellement la DEA, comme je pense la plupart des Américains le font».