Un nombre croissant d'entreprises américaines refusent d'embaucher des fumeurs. L'Organisation mondiale de la santé a elle aussi adopté cette politique, qui ne fait pas l'unanimité chez les spécialistes.

«Officiellement, l'objectif d'une telle politique est de projeter une image positive», explique Michael Siegel, médecin spécialiste en contrôle du tabac à l'Université de Boston, qui vient de condamner cette tendance dans le British Medical Journal. «Mais, en pratique, il s'agit d'une manière de diminuer les frais médicaux des entreprises. Je ne suis pas convaincu que ce soit efficace pour diminuer le tabagisme parce que les fumeurs qui restent sont généralement des gens qui ont beaucoup de difficulté à arrêter. Les mettre au chômage ne servira qu'à les appauvrir, ce qui aggravera encore leur état de santé.»

 

Les entreprises qui veulent exclure les fumeurs de leurs employés futurs n'appliquent généralement pas ce diktat à leurs employés déjà en poste. Mais elles peuvent facilement vérifier si les nouveaux arrivés mentent, à l'aide d'un test qui mesure la présence dans l'urine de cotinine, un dérivé de la nicotine.

À l'Organisation mondiale de la santé, les règles sont beaucoup plus souples. «Pour nous, c'est une question de principe, mais nous faisons confiance à nos employés», explique Timothy O'Leary, relationniste à l'OMS. «Nous ne recrutons pas de fumeurs qui ne sont pas disposés à arrêter, mais nous ne vérifions pas s'ils fument par la suite.»

Une trentaine d'États ont interdit les critères d'embauche qui excluent les fumeurs. Ailleurs, la constitutionnalité de l'approche est contestée. Un ex-employé de la compagnie de produits de jardinage Scotts a contesté en justice son congédiement, survenu après un test positif de cotinine; il invoque le droit à la vie privée.

Au Québec, ni le Conseil du patronat, ni la Fédération de l'entreprise indépendante, ni l'Ordre des conseillers en ressources humaines n'ont entendu parler de telles mesures. Le Conseil du patronat note que les dépenses des entreprises en frais médicax varient de 1,2% à 2% des salaires, contre plus de 10% aux États-Unis.

Un risque réel

Le Dr Siegel, de l'Université de Boston, note que ces critères d'embauche ont une définition très restrictive du fumeur, qui stigmatise ceux qui font des rechutes brèves ou les fumeurs occasionnels.

«Et il y a un risque réel que d'autres types de comportements coûteux en soins médicaux soient aussi visés, dit-il. On pourrait imaginer des entreprises qui n'embaucheraient pas d'obèses, de gens qui font de l'hypertension ou, pourquoi pas, de gens qui ne sont pas mariés, parce que ce sont des catégories de personnes qui génèrent des frais médicaux plus importants.»