D'un coup de crayon présidentiel, Barack Obama a signé hier la fin des détentions secrètes, interrogatoires musclés et autres entorses aux droits et libertés pratiquées par les États-Unis, au nom de la guerre au terrorisme, sous le règne de George W. Bush.

Le président Obama a non seulement ordonné hier la fermeture du camp de Guantánamo, mais aussi de toutes les prisons secrètes maintenues par la CIA aux quatre coins du monde. Depuis 2002, l'agence de renseignement y détenait et y interrogeait des suspects terroristes au mépris des lois américaines et des conventions internationales.

 

Les Américains savent «que nous ne perpétuerons pas le mauvais choix entre notre sécurité et nos idéaux», a dit Barack Obama au cours d'une cérémonie dans le bureau Ovale de la Maison-Blanche.

En rupture complète avec son prédécesseur, le nouveau président réécrit donc les règles américaines concernant le traitement de ceux que l'administration Bush avait qualifiés de «combattants illégaux» pour mieux les priver de leurs droits fondamentaux.

Barack Obama a signé trois décrets présidentiels. Le premier exige la fermeture, d'ici un an, de la prison de Guantánamo, devenue le symbole des dérives de l'administration Bush depuis les attentats du 11 septembre 2001.

Mercredi, le président avait déjà obtenu la suspension des procès devant des tribunaux militaires menés sur cette base navale américaine, située à Cuba. Il demande maintenant à son équipe de réviser le cas de chacun des 245 suspects terroristes qui y sont toujours détenus.

La tâche n'est pas simple; il faudra déterminer si les détenus peuvent être libérés, rapatriés, jugés à l'étranger ou transférés dans d'autres prisons américaines. Un véritable casse-tête, d'autant plus que certains prisonniers sont sans doute dangereux, et que peu d'entre eux seront bienvenus dans leur pays d'origine.

Un second décret ordonne la fermeture des prisons secrètes de la CIA, où des suspects terroristes ont été enfermés pendant des mois, parfois même des années. Le réseau de prisons, mis sur pied pour interroger des leaders d'Al-Qaeda, a soulevé de vives critiques de la communauté internationale. L'ancien directeur de l'agence, Michael V. Hayden, a déclaré qu'au fil des ans, «moins de 100» suspects avaient séjourné dans ces prisons disséminées un peu partout dans le monde.

D'autre part, la CIA ne pourra plus utiliser les techniques d'interrogatoires musclées que plusieurs groupes de défense des droits de l'homme considéraient comme des actes de torture. Les agents devront plutôt suivre les mêmes règles que les militaires, et se conformer au «Manuel de terrain de l'armée» lorsqu'ils interrogent des prisonniers.

Ce manuel interdit le recours aux menaces, à la coercition, aux violences physiques et à la simulation de noyade, ou «waterboarding», une technique utilisée à au moins trois reprises contre des détenus de Guantánamo.

«Les États-Unis ont l'intention de poursuivre le combat engagé contre la violence et le terrorisme, a dit le président Obama. Nous le ferons avec vigilance, nous le ferons avec efficacité, et nous le ferons dans le respect de nos valeurs et de nos idéaux.»

Le troisième décret crée un groupe de travail chargé d'établir les futures conditions de détention des suspects terroristes. De plus, un comité se penchera sur une autre pratique controversée de l'ère Bush: la «rendition», ou le transfert de suspects terroristes vers des pays qui n'hésitent pas à maltraiter les prisonniers pour leur soutirer des informations. Désormais, les États-Unis ne pourront plus sous-traiter la torture.

 

PROCHE-ORIENT ET AVORTEMENT

Barack Obama s'est attaqué sans tarder au conflit israélo-palestinien en nommant, hier, George Mitchell comme émissaire spécial pour la paix au Proche-Orient. En envoyant dans la région un négociateur aussi respecté et expérimenté que M. Mitchell, considéré comme l'un des artisans de la paix en Irlande du Nord, Barack Obama rompt avec la politique de George W. Bush, qui a longtemps refusé de s'impliquer directement dans le processus de paix israélo-palestinien. Mais sur le fond, M. Obama n'a pas dévié de la politique de son prédécesseur. «Soyons clairs : l'Amérique est résolue à défendre la sécurité d'Israël et nous soutiendrons toujours le droit d'Israël à se défendre contre des menaces légitimes», a-t-il dit. Barack Obama s'est par ailleurs distingué de George W. Bush en affirmant hier son engagement à défendre le droit des femmes à l'avortement, à l'occasion du 36e anniversaire de l'arrêt Roe contre Wade. «Je reste déterminé à protéger la liberté des femmes de choisir « entre avoir un enfant ou pas, a-t-il dit.

New York Times, Ap, Afp