Rodney Puglis appuie ses bottes de construction sur la clôture métallique et remonte la visière de son casque de plastique.

Le visage de Barack Obama bouge devant lui sur un immense écran. La voix du nouveau président résonne dans des haut-parleurs accrochés au-dessus de l'esplanade du Nokia Theater, au centre-ville de Los Angeles. L'endroit est bondé. Des milliers de spectateurs pleurent, rient, prennent des photos. Des couples sont enlacés. Une femme émue cherche un mouchoir dans son sac à main.

M. Puglis regarde le nouveau président et regarde sa montre. Il doit retourner sur le chantier de l'hôtel Hilton, en construction l'autre côté de la rue.

 

Il décide de prolonger sa pause. Quelques minutes de plus à écouter le 44e président des États-Unis, coude à coude avec des milliers d'étrangers.

«Je n'ai pas voté pour lui, mais je suis content de vivre ce moment, dit-il. On a vraiment besoin d'un leader à Washington. L'économie va mal. Plusieurs de mes amis ont perdu leur emploi, et j'ai peur de perdre le mien.»

Près de lui, Richee Fresh, étudiant afro-américain, suit la cérémonie, le visage impassible. Il est venu par curiosité. Pour voir qui allait se pointer au Nokia Theater pour suivre l'événement retransmis en direct de Washington. Il jette un coup d'oeil à la ronde. Autour de lui se trouvent des Asiatiques, des Noirs, des Latino-Américains, des jeunes familles, des gens âgés.

«J'ai de la difficulté à y croire, dit-il. Même durant la campagne, je n'y croyais pas. Je ne pensais pas que l'Amérique était prête à élire un Noir. Aujourd'hui, je réalise que j'avais tort. Obama avait raison. Les gens sont prêts.»

À 4300 kilomètres de là, Obama lève la main pour saluer la mer de spectateurs réunis devant le Capitole. M. Fresh se met à crier. La foule exulte.

Puis, l'écran montre le président Bush en train de monter dans un hélicoptère, avec sa femme Laura. Barack et Michelle Obama regardent partir l'appareil, qui disparaît bientôt à l'horizon, au-dessus de Washington. «Ça y est. Ça y est. Ça y est», dit M. Fresh. Barack Obama salue à la ronde. À L.A., les spectateurs applaudissent à tout rompre. Une jeune fille noire d'environ 15 ans marche dans la foule en essuyant une larme. «My President is Black» dit son t-shirt.