«Je vous dis aujourd'hui que les défis auxquels nous faisons face sont réels, a lancé le président Obama sur l'esplanade du Capitole. Ils sont importants et nombreux. Nous ne pourrons les relever facilement ni rapidement. Mais sache-le, Amérique, nous les relèverons.»

Dans son bureau du Centre d'études et de recherches internationales de l'Université de Montréal (CERIUM), Jean-François Lisée est enthousiaste. «C'est un très grand discours, dit-il d'emblée. Mes attentes étaient très grandes et elles ont été satisfaites.»

 

Le discours inaugural du président Obama n'a pas été aussi vibrant que celui du New Hampshire, où il a lancé le fameux «Yes, we can» et appelé au changement. C'est même un discours «sévère», a affirmé dans le New York Times Jeff Shesol, ancien rédacteur de Bill Clinton.

Mais pour Jean-François Lisée, qui a pour sa part été rédacteur de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, le président américain a prononcé hier le discours «de quelqu'un qui brûle de travailler et d'engager la nation dans l'énorme travail qu'il a devant lui». «Il augmente les attentes envers lui, certes. Mais il en transfère une partie sur les Américains. D'après moi, c'est exactement ce qu'il fallait faire: investir les citoyens de devoir.»

La qualité littéraire du texte est très grande, insiste l'ancien rédacteur. «On sait qu'il a tenu à l'écrire du premier au dernier mot, dit M. Lisée. Il n'a fait aucune concession au populisme, il n'a pas utilisé le moindre lieu commun. Il n'a pas regardé la foule comme si elle lui était inférieure, il l'a montée à son niveau.»

Jean-François Lisée a été touché par la volonté de M. Obama de «nommer les choses à la hauteur de leur gravité, avec toutes sortes de métaphores extraordinaires». Perte de crédibilité des États-Unis dans le monde, puissance américaine à utiliser avec retenue et prudence, responsabilité des nations riches dans la dilapidation des ressources de la planète... «Il a appelé au travail, à la responsabilité, au devoir des citoyens. C'était un changement tellement extraordinaire par rapport à Bush, qui n'a jamais appelé les individus à l'effort, mais à la consommation.»

De Roosevelt à Kennedy

En 1933, le président Franklin D. Roosevelt, dans son discours inaugural qui a lancé le New Deal, avait utilisé une rhétorique semblable, note M. Lisée. Julien Toureille, chercheur à l'Observatoire des États-Unis de l'UQAM, y voit aussi un peu de Kennedy, lorsqu'il avait exhorté les Américains à se demander ce qu'ils pouvaient faire pour leur pays.

«Et quand il a évoqué les enjeux internationaux, on y voit une grande fermeté comme Bush», ajoute M. Toureille. Sans évidemment aller aussi loin que son prédécesseur dans la rhétorique guerrière. D'ailleurs, note M. Toureille, Barack Obama a aussi rompu avec Bush en soulignant l'importance de la science, à laquelle il veut «redonner» sa place.

Ce qui a également surpris Jean-François Lisée est l'admission par le président du déclin américain. «Il a dit: il faut démontrer que ce déclin n'est pas inévitable. Il n'a pas dit: je vais vous démontrer que c'est faux. Je ne me souviens pas d'un président qui ait admis que les États-Unis étaient en déclin.»

Le discours inaugural du président Obama passera-t-il donc à l'histoire? Julien Toureille en doute. «On s'en souviendra surtout comme celui du premier président afro-américain.» Pour Jean-François Lisée, même s'il est déjà convaincu de la grande valeur du texte, le temps se chargera de le dire. «Personne ne citerait Roosevelt si le New Deal n'avait pas réussi. Si Obama gagne un certain nombre de ses paris, ce discours sera parmi les grands discours de l'histoire américaine.»