Carmen Garnes s'est levée à 4h30 pour obtenir une bonne place. La retraitée a attendu des heures dans le métro, avant de se frayer un chemin dans une foule colossale. C'est finalement sur écran géant qu'elle a vécu son rendez-vous avec l'histoire. Mais elle ne regrette rien.

«J'ai l'impression que mon coeur va sortir de ma poitrine tellement il bat», a confié la Montréalaise, quelques secondes après que Barack Obama eut - un brin maladroitement - prêté serment pour devenir le 44e président des États-Unis.

 

Même si elle n'a pas vu le premier président noir de ses yeux, elle n'a eu aucun mal à sentir sa présence. Des centaines de milliers de personnes comme elle ont bravé un froid presque canadien au pied de l'obélisque. Ils sont venus de partout aux États-Unis pour entendre celui qui incarne l'espoir du changement, à défaut de le voir.

«Je n'ai jamais cru que je verrais ça un jour, a convenu Mme Garnes. Mes enfants, mes petits-enfants, peut-être, mais pas moi.»

La journée ne s'annonçait pourtant pas comme une partie de plaisir pour Mme Garnes et ses compagnons. Le soleil se levait à peine que son autocar, transportant 42 Montréalais, était déjà coincé dans un embouteillage à Baltimore, à 60 km de Washington.

Lorsque le groupe est arrivé à la station de métro Greenbelt, à l'extrémité nord de la ville, des centaines de personnes se massaient devant les tourniquets. Il a fallu trois heures de métro pour gagner le centre-ville, où le mercure baignait bien en dessous du point de congélation.

Et de là, il fallait encore se frayer un chemin jusqu'au National Mall, l'immense parc se terminant, à l'est, par le Capitole, le lieu de la cérémonie d'investiture. À l'aube, des secteurs de l'esplanade étaient déjà bondés.

Il fallait compter jusqu'à deux heures pour traverser les barrières de sécurité. La foule s'est déplacée vers l'ouest, dans l'espoir de trouver un point d'entrée plus rapide. Des militaires barraient les rues afin de canaliser cette vaste marée humaine.

Le petit groupe s'est effrité tandis que des membres se perdaient dans la foule. Sur une trentaine de personnes, seule une douzaine a trouvé le chemin du National Mall, guidée par le fleurdelisé qu'avaient apporté François Lafortune et son fils Simon, de Chambly.

«J'avais peur de rater le moment», a confié Shudney Pierre-Louis, arrivée sur le parc vers 11h45, à peine 10 minutes avant le début de la cérémonie.

Mais la longue attente dans le froid a valu la peine pour la jeune infirmière, qui grelottait sous sa couverture unifoliée. Tout comme le pénible voyage de 12 heures en autocar de la veille.

«Si je suis venue, c'est parce que mes ancêtres en Haïti ne pouvaient pas venir, ni mes grands-parents, ni mes enfants. Un jour, je leur dirai que j'ai été là.»

Barack Obama était à presque deux kilomètres d'Awaleh Jess Godad lorsqu'il a invité ses concitoyens à «se ramasser, à se secouer, et à lancer le chantier pour refaire l'Amérique». Mais cet étudiant d'origine djiboutienne a vibré comme s'il était au bord de la scène. Tout comme un de ses voisins, un grand homme dans la quarantaine qui a éclaté en sanglots à la fin de la cérémonie.

«Ça a valu la peine de venir, a-t-il affirmé. Des gens sont venus de partout aux États-Unis pour être ici. On voit à quel point ils sont inspirés par Obama. On voit qu'il se passe quelque chose.»