Un nouveau chapitre de l'histoire américaine s'est écrit hier à Washington sous les yeux de près de 2 millions de personnes exaltées. Barack Obama est officiellement devenu le 44e président américain, annonçant le début d'une «nouvelle ère de responsabilité» aux États-Unis.

«Les défis auxquels nous faisons face sont peut-être nouveaux, a lancé le politicien de 47 ans lors de son discours d'investiture. Mais les valeurs dont notre succès dépend - le travail, l'honnêteté, le courage et le respect des règles, la tolérance et la curiosité, la loyauté et le patriotisme - sont anciennes.»

Et d'ajouter : «Ce qui est requis, c'est un retour à ces vérités. Ce qui nous est demandé maintenant, c'est une nouvelle ère de responsabilité. Une reconnaissance, de la part de chaque Américain, que nous avons des devoirs envers notre pays et le monde.»

Dans ce discours, point d'orgue de cette journée riche en émotions, Barack Obama a signalé a plusieurs reprises la fin de l'ère Bush. La foule a d'ailleurs hué copieusement le président sortant et son bras droit, Dick Cheney.

Barack Obama a été plus poli. Mais il a tout de même dressé, à mots à peine couverts, un bilan impitoyable des huit dernières années. Et il a promis avec fermeté, comme il l'avait fait pendant toute la durée de sa campagne, de rectifier le tir.

«En ce qui concerne notre défense à tous, nous rejetons l'idée qu'il faille faire un choix entre notre sécurité et nos idéaux», a-t-il par exemple déclaré. Il faisait bien sûr référence aux libertés et aux droits piétinés au nom de la guerre contre le terrorisme.

Il a ensuite évoqué la sagesse des générations précédentes pour dénoncer l'idéologie néo-conservatrice. Ces générations avaient «compris que notre puissance ne suffit pas à elle seule à nous protéger et qu'elle ne nous permet pas d'agir à notre guise», a-t-il expliqué.

Un pays «ami»

L'une des répliques ayant suscité les applaudissements les plus nourris a été celle où Barack Obama a interpellé le reste du monde. «Sachez que l'Amérique est l'amie de chaque pays et de chaque homme, femme et enfant qui recherche un avenir de paix et de dignité, et que nous sommes prêts à nouveau à jouer notre rôle dirigeant», a-t-il dit, rassurant.

Car il a continué de se poser en éternel optimiste. Il avait articulé son discours autour des thèmes qui lui ont toujours été les plus chers : l'espoir, l'unité et le changement. Et s'il a dressé l'inventaire des défis herculéens auxquels fait face son pays, il a aussi promis aux Américains qu'ils seraient en mesure de les surmonter.

Il a aussi convié ses citoyens à un véritable rendez-vous avec l'histoire politique de leur pays. Il a évoqué John F. Kennedy en leur demandant de retrousser leurs manches et de «refaire l'Amérique». Il a fait écho à Franklin D. Roosevelt, qui avait mis les Américains en garde contre la peur. Il a également cité les Pères fondateurs de son pays. Sans compter qu'il a prêté serment, peu après midi, en posant la main sur la bible d'Abraham Lincoln.

Ce clin d'oeil était tout sauf anodin. Barack Hussein Obama - il a utilisé hier son nom complet lors de la cérémonie - ne cesse de s'inspirer de ce président républicain ayant lutté contre l'esclavage. S'il n'a pas abordé de front la question raciale, il a néanmoins précisé hier que son père, «il y a moins de 60 ans, n'aurait peut-être pas pu être servi dans un restaurant de quartier».

Il aurait pu aussi rappeler que le Capitole, sur l'esplanade duquel il a prêté serment en matinée, a été construit en partie par des esclaves. Tout comme la Maison-Blanche, qu'il occupera pour les quatre prochaines années.

Marée humaine

Tous les éléments étaient donc réunis pour faire de cette journée si particulière un moment historique. Même la foule, dont l'envergure n'avait d'égale que l'enthousiasme. Jamais n'avait-on vu autant de gens assister à une cérémonie d'investiture à Washington.

Au pied du Capitole, les spectateurs se retournaient fréquemment, étonnés et fascinés, pour contempler la marée humaine qui a accueilli Barack Obama dans l'allégresse.

Peu après le discours, les gens se sont dispersés lentement, le réseau de transport de la ville ne pouvant absorber la foule. Après un lunch au Congrès, le nouveau président et sa femme ont quitté le Capitole pour se diriger vers une tribune temporaire construite en face de la Maison-Blanche. De là, comme quelques centaines de milliers de personnes, ils ont assisté avec leurs deux jeunes filles au traditionnel défilé. Ils ont continué à célébrer en soirée, prenant part à plusieurs des bals organisés un peu partout en ville.

Washington aura vibré jusqu'aux petites heures d'un matin qui se voulait lui aussi historique. Car le soleil s'est levé sur une ville transformée. Ce matin, pour la toute première fois, l'homme le plus puissant de la planète est un Afro-Américain.