Pour Barack Obama, le jour J est enfin arrivé. Sur le coup de midi, il deviendra le 44e président des États-Unis d'Amérique. Il prêtera serment dans une ville qui, hier, avait des airs de capitale mondiale du sourire. Toute proprette, en plus. Il faut dire qu'on attend 2 millions de personnes aujourd'hui à Washington. Dont 42 Québécois, qui ont tout largué pour 48 heures afin d'être aux premières loges.

Ils étaient 80 à avoir donné leur nom pour un grand nettoyage des rues voisines du Centre des congrès de Washington. Hier matin, une quarantaine de volontaires se sont effectivement présentés au lieu de rendez-vous armés de leur meilleure volonté et de quelques sacs-poubelles.

 

Une première équipe, surnommée «Team Obama», a ramassé pendant deux heures les détritus qui jonchaient les trottoirs de la rue N. Rien de bien surprenant: beaucoup de mégots, mais aussi des bouteilles cassées, des journaux détrempés, quelques barres de fer et deux seringues.

«C'est la première fois que je vois autant de gens vouloir faire du bénévolat pour la journée de Martin Luther King», s'est exclamée Ashley Allen, fonctionnaire de 26 ans qui vient de s'établir à Washington.

Chaque année, le jour de l'anniversaire du leader noir assassiné, les Américains sont conviés à donner de leur temps au service de leurs concitoyens. Cette fois, c'est le comité organisateur de l'investiture présidentielle qui a pris en main cette vaste corvée nationale. Tous les moyens de communication habituels de Barack Obama ont été mis à contribution. Le président désigné a même lancé un appel au service public sur YouTube.

Et ça a marché: depuis plusieurs jours, la plupart des organismes qui demandaient des bénévoles affichaient complet. «C'est sûrement parce que l'appel venait de Barack Obama lui-même», présume Ashley.

À la veille de son entrée en fonction, Barack Obama a lui-même donné l'exemple, hier, en se rendant dans un refuge pour sans-abri près du Capitole, le Sasha Bruce House. Vêtu d'un jeans, il a retroussé ses manches pour donner quelques coups de rouleau trempé de peinture bleue sur le mur du refuge. Plus tard, il est allé à l'hôpital militaire Walter Reed rencontrer des blessés des guerres de l'Irak et de l'Afghanistan.

L'anniversaire de Martin Luther King, qui aurait eu 80 ans hier, est un jour férié aux États-Unis. Mais c'est aussi «une journée pour réfléchir et agir», a rappelé Barack Obama.

«Ce que Barack Obama veut, c'est la suite du rêve de Martin Luther King, il veut que nous nous engagions tous dans notre communauté», a commenté Leila Lugue, 25 ans, originaire de Philadelphie. Elle aussi ramassait des déchets dans la rue N.

Où est donc la Maison-Blanche?

Habituellement désert les jours de congé, le centre-ville de Washington bourdonnait d'activité hier. Des gens venus de tous les coins du pays, de l'Alaska à Hawaii, tentaient de trouver leur chemin en scrutant leur carte de la capitale.

Dans le métro, ces touristes présidentiels tentaient péniblement de percer le mystère des machines distributrices de billets. «Avez-vous une idée de l'endroit où se trouve la Maison-Blanche?» demandait un homme assis sur un muret à quelques rues de la résidence présidentielle.

Voici quelques clichés croqués hier quelque part entre le Capitole et la Maison-Blanche. Avenue Pennsylvania: une dame aux cheveux crépus exhibait à la ronde un photomontage donnant l'illusion qu'elle donne un baiser langoureux à Barack Obama. «Moi aussi j'en veux une, je l'aime!» s'est exclamée une passante.

Un peu plus loin, devant le Mall, un vélo-taxi transportait deux dames noires enveloppées dans de luxueux manteaux de fourrure. Une jeune Blanche au visage fatigué s'esquintait sur le pédalier. En voyant la scène, deux grands Noirs venus du Connecticut se sont esclaffés: «Non mais, quelle ironie!»

Même fébrilité au Centre des congrès où des dizaines de personnes venaient récupérer leurs billets pour la prestation de serment de ce matin et les dizaines de bals de ce soir.

«Nous n'avons fait que ça, aujourd'hui, attendre en ligne, d'abord pour l'investiture, puis pour le bal du Midwest», a dit Sue Dullard, venue du Minnesota. Mais elle ne se plaignait pas: «Il y a des foules partout, mais tout le monde se parle et les gens sont très cordiaux.»

Il faut dire qu'à la veille de l'investiture présidentielle, Washington avait des airs de capitale mondiale du sourire, avec tous ces gens couverts de macarons Obama prêts à engager la conversation avec leurs semblables.

Qu'attendent-ils donc de lui, maintenant qu'il est sur le point de prendre les rênes du pays? «Qu'il restaure la grandeur de ce pays et qu'il unisse notre nation», a répondu Jaime Counter, une dame de 69 ans originaire de l'Alabama.

N'est-ce pas un grand fardeau sur les épaules de celui qui prendra la place de George W. Bush aujourd'hui, à midi?

Selon une série de récents sondages, à la veille de son entrée en fonction, Barack Obama jouit d'un taux de popularité phénoménal. Ainsi, plus de trois Américains sur quatre (78%) ont de lui une opinion favorable, comparativement au taux de 61% obtenu par son prédécesseur en janvier 2001, selon une enquête ABC/Washington Post.

Un autre sondage commandé par ces deux médias constate que 72% des gens estiment que Barack Obama améliorera la situation de leur pays. En même temps, 91% ne s'attendent pas à ce que les choses changent de façon significative avant un an. Les attentes sont grandes, mais l'appel à la patience lancé par Obama dans plusieurs de ses discours semble avoir été entendu.