Sommé de toutes parts d'en finir vite avec le cauchemar de Guantanamo, symbole des excès de la lutte antiterroriste de son prédécesseur, Barack Obama va s'atteler dès sa prise de fonctions à vider la prison de ses détenus mais aussi à mettre un terme aux tribunaux d'exception.

Le président élu devrait, selon la presse américaine, signer l'ordre de fermeture dès le 20 janvier. Il devrait également suspendre le système judiciaire créé spécialement pour les détenus de Guantanamo - parmi lesquels cinq hommes accusés d'avoir organisé le 11-Septembre qui n'ont toujours pas été jugés.

Très controversé, ce système d'exception créé en 2006 a pour l'instant jugé trois détenus, dont un a plaidé coupable, un a fini de purger sa peine, et le troisième, propagandiste de Oussama ben Laden, a été condamné à la prison à vie après avoir refusé de se défendre.

Le suspens demeure pour savoir si le procès de Omar Khadr, un jeune Canadien arrêté en Afghanistan alors qu'il avait 15 ans, se tiendra comme prévu le 26 janvier, à Guantanamo.

Comme la plupart des quelque 250 hommes aujourd'hui détenus à Guantanamo, sur 800 environ passés par ses cellules, il y est enfermé depuis près de sept ans.

Seule une vingtaine de détenus ont été formellement inculpés de «crimes de guerre», les autres sont soit soupçonnés d'appartenir ou de soutenir le réseau terroriste Al-Qaeda, soit blanchis (une cinquantaine) mais ne peuvent être renvoyés dans leur pays d'origine où ils risquent des persécutions.

Ce sont ces derniers que les pays européens qui ont récemment offert leur aide à la nouvelle administration pourraient accueillir.

La situation des autres est plus complexe. Le président élu a prévenu que fermer Guantanamo est «plus difficile que nombre de gens ne le pensent», notamment pour savoir quel sort réserver au «grand nombre de personnes très dangereuses et qui n'ont pas été jugées».

Pour Jonathan Drimmer, professeur de droit spécialisé dans les crimes de guerre à l'université de Georgetown interrogé par l'AFP, M. Obama «va fermer Guantanamo avant la fin de sa première année de mandat».

Pour cela, il devra résoudre l'équation laissée par son prédécesseur: les États-Unis peuvent-ils restaurer leur image à l'international et s'arroger dans le même temps le droit de détenir des hommes soupçonnés de terrorisme indéfiniment, sans les inculper.

La plupart des experts n'imaginent pas que M. Obama fasse passer une loi autorisant la détention illimitée sans charges.

Interrogé par l'AFP, David Remes, avocat de 17 détenus yéménites classe de fait les détenus en «deux catégories: ceux qu'on relâche et ceux qu'on juge». Pour lui «fermer Guantanamo n'est pas si compliqué».

Par ailleurs, rappelle Me Remes, trouver enfin un accord avec le Yémen pour y renvoyer les détenus qui en sont originaires «videra la prison de 40% de sa population», soit une centaine de détenus.

Pour les détenus éligibles à la liberté, l'examen civil au cas par cas de la justification de la détention de chaque homme, autorisé en juin dernier par la Cour suprême, est en cours devant la cour fédérale de Washington. Sur huit cas aboutis à l'heure actuelle, cinq ont été déclarés illégalement détenus.

Pour ceux que les États-Unis ne veulent pas rendre à la vie civile en revanche, les observateurs envisagent qu'ils soient accueillis dans des prisons sur le sol américain, même si les élus des États concernés voient cela d'un mauvais oeil. Là, estime M. Drimmer, «un petit groupe de prisonniers, les pires du pire» seront jugés «devant des cours fédérales ou militaires classiques».

A plus long terme, estime le professeur, une autre «option comme un tribunal de sécurité nationale pourrait fonctionner» mais serait longue à mettre en place. «Je soupçonne la nouvelle administration de vouloir clore le chapitre Guantanamo le plus vite possible», ajoute-t-il.