Quand Israël, puissance nucléaire, a décidé de frapper la petite bande de Gaza avec sa toute-puissance samedi, George W. Bush et Barack Obama étaient en vacances, l'un au Texas, l'autre à Hawaii.

Bush, président en exercice même s'il ne lui reste encore que trois semaines, a fait savoir hier qu'Israël avait tout à fait «le droit de se défendre». Il l'a seulement prié d'«éviter les victimes civiles».

 

Pas un mot de son projet, lancé au sommet d'Annapolis il y a un an et claironné comme une priorité, d'un accord de paix entre Israéliens et Palestiniens «avant fin 2008». Projet en panne déjà, et qui a volé en éclats samedi.

Obama, lui, n'est pas en fonctions. «C'est encore à l'administration Bush de parler pour l'Amérique», a rappelé son conseiller David Axelrod, dimanche sur CBS, à l'émission Face the Nation.

Axelrod a reconnu toutefois que l'initiative d'Israël signifie une crise de plus pour le président désigné dès son inauguration, le 20 janvier. Avec la débâcle de l'économie virtuelle, l'accord de sécurité en Irak, les défis de la guerre afghane, les tensions Inde-Pakistan, les faits accomplis russes dans le Caucase, etc.

Changement et engagements

Obama n'a pas lié son nom au projet d'accord «avant fin 2008». Il s'est fait élire en prêchant le «changement». Et il est trop intelligent pour ignorer le poids du drame palestinien dans les défis de son pays au Moyen-Orient, et la détérioration de l'image de l'Amérique dans le monde.

Mais il est lié par ses promesses et ses compromis avec les lobbies. En visite dans le sud d'Israël en juillet, il a dit comprendre que les Israéliens se défendent contre les roquettes du Hamas. Devant le puissant lobby israélien AIPAC, il s'est prononcé pour «Jérusalem unifiée comme capitale d'Israël», souligne l'analyste montréalais Rachad Antonius.

«Son chef de cabinet, Rahm Emmanuel, a servi dans l'armée israélienne, et il a la double citoyenneté américaine et israélienne», ajoute Antonius, qui estime que «la prochaine administration sera pro-israélienne».

Si Obama était à Crawford à la place de Bush, ou si la Maison-Blanche était déjà à Hawaii avec Obama comme président en exercice, l'ancien sénateur de l'Illinois aurait-il dit autre chose que ce que Bush a dit hier sur Israël et Gaza?

On en doute. Pas avec ses obligations envers Israël. Pas avec, pour secrétaire d'État, Hillary Clinton, qui a voté pour la guerre en Irak afin, entre autres, de ne pas s'aliéner le soutien du lobby israélien, très monté contre Saddam Hussein.

«La situation est devenue plus compliquée au cours des derniers jours», a admis Axelrod à CBS. Mais, a-t-il dit, Obama «est résolu à oeuvrer» pour la paix entre Israël et les Palestiniens. Comme, avant lui, Truman, Eisenhower, Kennedy, Johnson, Nixon, Ford, Carter, Reagan, Bush père, Clinton et Bush fils.

«Intervention humanitaire»

Un mois après l'élection d'Obama, un Groupe d'experts pour la prévention de génocides créé par le U.S. Holocaust Memorial Museum, l'American Academy of Diplomacy et le U.S. Institute for Peace, et codirigé par Madeleine Albright et William Cohen, a soumis son rapport, un document de 174 pages.

Les analystes s'y alimentent depuis pour pousser Obama, et préparer l'opinion, à «l'intervention humanitaire» tous azimuts contre les «États défaillants» - au Darfour, au Zimbabwe, en Birmanie. Obama, président du «changement», s'en servira-t-il pour voler au secours des Palestiniens? Les risques sont nuls.