Aux États-Unis, les coiffeuses sont depuis quelques années en première ligne dans la prévention de la violence conjugale. Un programme de formation de l'Association nationale de cosmétologie a formé 40 000 coiffeuses pour détecter les signes de coups et savoir comment réagir aux confidences de leurs clientes battues par leur mari. L'idée fait boule de neige et vient d'être formellement adoptée par plusieurs chaînes de salons, par l'Association américaine d'écoles de cosmétologie et par les services sociaux de la Ville de New York.

«Le salon de coiffure est souvent le seul moment où les femmes battues ont un peu d'intimité», explique Jeri Linas, responsable du programme Cut It Out à l'Association de cosmétologie, jointe à Chicago. «Les hommes violents s'opposent souvent à ce que leur femme aille chez le médecin, de peur qu'il ne détecte les traces de coups, et d'une manière plus générale à ce qu'elle passe beaucoup de temps sans eux, avec d'autres personnes. La coiffeuse est souvent la seule personne avec laquelle ces femmes ont le temps d'établir une relation de confiance, et qui les voit sans fard.»

 

Les coiffeuses formées par Cut It Out ne doivent pas prévenir les autorités, mais simplement informer les femmes de leurs droits et de leurs recours. Elles ont aussi l'adresse des refuges de la région. «Sans formation, le premier réflexe est souvent de fuir ce genre de cliente, parce qu'on a l'impression qu'il est immoral de ne rien faire quand on sait ce qui se passe. Au contraire, il faut garder un lien, parce qu'il est vital que la victime ait quelqu'un vers qui se tourner quand elle décide de changer de vie.»

Tom Caplan, un psychothérapeute qui a publié un livre sur l'aide aux femmes battues et qui dirige la clinique de violence conjugale de l'Université McGill, n'a jamais entendu parler d'un tel programme au Canada. «Mais je trouve que c'est vraiment brillant, dit M. Caplan. La coiffeuse est souvent la seule personne qui peut voir ce qui se cache derrière le maquillage et sous les cheveux. C'est une conclusion évidente à une réflexion que nous avons eue récemment dans le domaine. On a multiplié les programmes de prévention et d'information dans les CLSC et les centres communautaires, mais on se rend compte que les femmes ont souvent de la réticence à les fréquenter, parce que leur mari s'y oppose. Il sait qu'il risque d'être démasqué ou de perdre sa victime. On trouve toutes sortes de stratégies pour contourner ça. J'ai entendu parler de distributions de bâtons de rouge à lèvres qui cachent une liste de ressources et de refuges.»

 

La violence conjugale au Canada

La violence conjugale touche 4% des adultes au Canada, selon un rapport produit en 2005 par Statistique Canada. Une personne sur cinq a connu cette situation dans une union antérieure. Cette enquête affirme que les hommes sont presque aussi affectés que les femmes, mais que ces dernières risquent davantage de subir des violences physiques graves. Par exemple, 23% des femmes et 15% des hommes victimes de violence conjugale ont été menacés avec un couteau ou une arme à feu, ou ont reçu des coups. De plus, les femmes ne commettent pratiquement pas d'agressions sexuelles. Plus du tiers des femmes victimes de violence conjugale en ont informé la police, et 12% ont demandé une ordonnance de protection, des proportions respectivement deux et quatre fois plus importantes que chez les hommes. Les 540 refuges pour femmes battues reçoivent plus de 60 000 femmes chaque année.