Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, a demandé à son équipe d'élaborer un plan pour fermer la prison très controversée de Guantanamo, une des priorités déclarées du président élu américain Barack Obama, mais la tâche promet d'être extrêmement complexe.

M. Gates, maintenu dans ses fonctions par M. Obama, «a demandé à son équipe de formuler une proposition sur la manière de fermer» le camp de détention de la base navale américaine de Guantanamo, à Cuba, a déclaré jeudi le porte-parole du Pentagone, Geoff Morrell, lors d'une conférence de presse.

Alors que le prochain président a déclaré à plusieurs reprises son intention de fermer le centre, «le secrétaire à la Défense veut être prêt à l'aider à trouver une solution», «s'il souhaitait s'attaquer à cette question au tout début de son mandat», a-t-il souligné.

La légitimité du centre de Guantanamo, qui compte encore quelque 250 détenus sur les 800 qui y sont passés, est très contestée depuis son ouverture en janvier 2002.

Destiné aux individus soupçonnés par Washington de liens avec Al-Qaeda ou les talibans, il est devenu le symbole des excès de la «guerre contre le terrorisme» lancée par George W. Bush après les attentats du 11 septembre 2001.

Contre tous les principes de la justice américaine, ces hommes sont détenus pour une durée illimitée sans chef d'inculpation. Déclarés «combattants ennemis» par un tribunal militaire, ils ne disposent que depuis juin d'une possibilité de recours devant un tribunal fédéral.

«Même le diable n'aurait pu créer un endroit aussi mauvais», a expliqué jeudi à l'AFP Mustafa Ait Idir, un des cinq ex-détenus d'origine algérienne récemment libérés de Guantanamo sur décision de la justice américaine.

M. Idir assure avoir été interrogé et battu plus de 500 fois pendant son incarcération, sans compter les humiliations. «Ils injuriaient nos familles, notre religion, notre Dieu».

Tout comme M. Gates, le président Bush lui-même assure depuis des mois qu'il aimerait fermer Guantanamo, mais son administration n'a jamais réussi à résoudre les innombrables problèmes posés par le dossier.

Dans une entrevue télévisée mercredi soir, le secrétaire à la Défense a assuré que le Pentagone «pouvait trouver des alternatives», mais que le Congrès allait devoir légiférer pour empêcher les anciens détenus d'émigrer sur le sol américain.

«Certains de ces individus sont très dangereux. Et nous ne voulons pas qu'ils viennent aux États-Unis», a-t-il souligné.

Comme l'administration Bush l'a déjà fait pour plus de 500 détenus, le futur gouvernement devra chercher à en renvoyer le maximum dans leur pays d'origine.

Mais se posera la question du sort réservé à ceux menacés de persécution dans leur pays, comme les Chinois ouïgours, les Algériens ou les Libyens.

Le Portugal s'est toutefois dit prêt à aider M. Obama en accueillant des prisonniers, et a appelé les autres pays européens à faire de même.

Pour les détenus considérés comme les plus dangereux, inculpés ou devant l'être, parmi lesquels cinq «cerveaux» présumés du 11 septembre 2001, le Pentagone va devoir trouver des sites sur le sol américain susceptibles de recevoir une prison à haute sécurité.

Mais le futur président risque de se heurter aux réticences des élus locaux, qui craignent les réactions terrifiées de leurs administrés.

La fermeture de Guantanamo pose enfin la question de l'avenir du système judiciaire élaboré spécifiquement pour ces prisonniers.

Les tribunaux d'exception chargés de les juger pour «crime de guerre», très critiqués pour leur peu de respect des droits de la défense, ne devraient pas survivre à l'élection de M. Obama, qui les a dénoncés pendant la campagne. Mais son équipe n'a pas encore annoncé par quoi elle comptait les remplacer.