Mustafa Ait Idir, 38 ans, un des cinq ex-détenus d'origine algérienne libérés en novembre par la justice américaine de la prison de Guantanamo, a raconté jeudi à l'AFP son séjour de près de sept ans dans ce lieu que, selon lui, «même le diable ne pourrait créer».

«Personne ne peut imaginer combien c'était terrible. Même le diable n'aurait pu créer un endroit aussi mauvais», a expliqué M. Idir par téléphone, deux jours après son retour en Bosnie, pays dont il possède la nationalité.

M. Idir a été libéré mardi par les autorités américaines, en compagnie de deux autres anciens détenus bosniaques d'origine algérienne, Mohamed Nechla, 40 ans, et Hadji Boudella, 43 ans.

Il s'agit des premières libérations du camp de détention de Guantanamo (Cuba) effectuées par l'administration Bush sur ordre de la justice.

M. Idir assure avoir été interrogé et battu plus de 500 fois pendant son incarcération par ses geôliers qui utilisaient, selon lui, des gaz lacrymogènes.

«Les gardiens avaient l'habitude de venir en groupe de six ou sept et utilisaient d'abord des pulvérisateurs à gaz, et c'est alors que le tabassage commençait», se souvient-il.

M. Idir accuse les autorités américaines d'avoir systématiquement battu des prisonniers de Guantanamo tout en s'efforçant de dissimuler les traces de coups.

«Une fois, j'ai vu un docteur en compagnie des gardiens. Il désignait certains endroits sur le corps et disait "Frappez le ici". Après le tabassage, il n'y avait pas de marques de coups visibles sur le corps mais on avait tellement mal qu'on ne pouvait pas bouger», a-t-il dit.

Cette informaticien de profession, qui a rejoint à Sarajevo son épouse et leurs trois enfants, affirme que personne ne lui a jamais dit pourquoi il était détenu.

Selon M. Idir, les prisonniers de Guantanamo étaient constamment humiliés: «Ils injuriaient nos familles, notre religion, notre Dieu».

Il avait été arrêté fin 2001, avec cinq autres résidents bosniaques d'origine algérienne, par les autorités de Sarajevo qui les soupçonnaient de préparer un attentat contre l'ambassade des Etats-Unis en Bosnie.

Les six hommes avaient ensuite été transférés en janvier 2002 vers le camp de détention de la base navale américaine de Guantanamo. L'un d'eux est toujours détenu à Guantanamo.

Pendant la guerre, des centaines de combattants venus de pays arabes se sont rendus en Bosnie pour prendre les armes aux côtés des Musulmans. Certains s'y sont installés après le conflit et ont obtenu la nationalité bosniaque.