Montazer al-Zaïdi, le jeune journaliste irakien qui a lancé ses souliers sur George W. Bush dimanche à Bagdad, a comparu hier en secret devant un juge, au milieu de rumeurs selon lesquelles il a été sauvagement battu.

À Washington, le secrétariat d'État a déclaré que le président américain laissait l'Irak décider de punir ou de gracier le journaliste, et qu'il ne nourrissait aucun ressentiment à son égard.

 

Les Irakiens continuent de se mobiliser en soutien à al-Zaïdi, perçu comme un «héros» qui a osé défier le président des États-Unis au nom des centaines de milliers de victimes de la guerre qui dure depuis 2003 en Irak.

La vidéo de l'incident tourne sans relâche sur l'internet, et des internautes ont déjà mis au point des jeux de lancers de souliers virtuels contre Bush.

Au Parlement, les députés sont divisés. Baha al-Araji, sadriste, a réclamé une enquête «sur les brutalités commises contre le journaliste». Mais Sami al-Askari, proche du premier ministre Nouri al-Maliki, a parlé d'un acte «honteux».

«Il a comparu en présence du procureur et d'un avocat, et admis avoir commis une agression contre un président», a dit Abdelsattar Bayraqdar, porte-parole du Haut Conseil de justice d'Irak.

Remis à l'armée

Bayraqdar a avoué qu'il n'était pas lui-même présent à l'audience et qu'il ne pouvait donc pas dire si al-Zaïdi était blessé ou non.

«Il a été inculpé et il risque sept à 10 ans de prison s'il est reconnu coupable», a-t-il dit au webzine Aswat al-Iraq, ajoutant que le prévenu avait refusé les services de Me Khalil Doulaïmi, ancien avocat de Saddam Hussein.

Al-Zaïdi a été renvoyé en cellule après l'audience, mais Baha al-Araji a estimé qu'il serait bientôt libéré sous caution, en attendant son procès.

Un responsable parlant sous couvert de l'anonymat a annoncé que le journaliste avait été remis à l'armée irakienne.

Selon cette source, il va faire l'objet d'une enquête du commandement militaire chargé de la sécurité à Bagdad. Il a déjà été interrogé par la sécurité irakienne.

La chaîne Al-Baghdadiya, qui emploie al-Zaïdi, a indiqué qu'il serait défendu par Me Dhiaa Saadi, président de l'Association des avocats irakiens.

Saadi n'était pas au tribunal hier. Il a dit qu'il demanderait que l'affaire soit rayée et que son client soit libéré «car qu'il n'a commis aucun crime».

Al-Baghdadiya a demandé que l'avocat et le Croissant rouge irakien puissent rendre visite au détenu.

Le général Abdel-Karim Khalaf, porte-parole du ministère de l'Intérieur, avait nié qu'Al-Zaïdi était mal en point. «Il va comparaître et vous pourrez le voir», avait-il dit. Mais l'audition s'est tenue hors caméras et en l'absence des médias.

Détenus brutalisés

Selon Dergham et Maitham, deux frères de Montazer, le reporter de 29 ans a été battu par des agents de sécurité après l'incident.

«Un agent de sécurité nous a dit que Montazer avait reçu un coup de crosse à la tête et qu'il avait des côtes et un bras fracturés», a dit Dergham, qui a ajouté que son frère avait été «hospitalisé dans la Zone verte».

Le webzine Al Bawaba écrit, citant une source officielle, qu'al-Zaïdi «est détenu pour fins d'interrogatoire». «Ils vont le tester pour établir s'il était ivre ou drogué, et ils veulent savoir s'il a été payé pour lancer ses souliers sur Bush», ajoute-t-il.

Coïncidence: le groupe new-yorkais Human Rights Watch a dénoncé hier les «sérieuses failles» de la justice irakienne. Il critique les mauvais traitements infligés aux détenus en attente de procès et l'impossibilité de monter «une défense cohérente».

Mouayyad al-Lami, président de l'Union des journalistes irakiens, a indiqué que les autorités l'avaient assuré qu'al-Zaïdi était «bien traité». Il a estimé que son collègue s'était comporté de façon «étrange», mais il a dit espérer que Maliki lui accorderait sa «clémence».

Avec Afp, Ap, Reuters, Nyt, Guardian, Azzaman, Al Bawaba, Aswat Al-iraq