La section antiterroriste française a ouvert une enquête hier à la suite de la découverte de cinq bâtons de dynamite dans un grand magasin du 9e arrondissement de Paris.

La circulation a été interrompue pendant de longues heures tandis que les autorités passaient au peigne fin les bâtiments du Printemps, ciblé dans une lettre de menaces envoyée en début de journée à l'Agence France-Presse.

 

Un groupe inconnu se présentant comme le «Front révolutionnaire afghan» y évoquait l'installation de «plusieurs bombes» en précisant que l'une d'elles se trouvait dans les toilettes du troisième étage de l'établissement du boulevard Haussmann.

«Faites parvenir ce message à votre président de la République qu'il retire ses troupes de notre pays avant fin février 2009, sinon nous repasserons à l'acte dans vos grands magasins de capitalistes et cette fois-ci sans vous avertir», prévenaient les auteurs de la missive, bourrée de fautes d'orthographe. Les charges finalement trouvées dans l'immeuble ne comportaient pas de mécanisme à feu. «D'après ce que nous savons, ce n'était pas un dispositif qui était destiné à exploser. Nous allons mener l'enquête pour remonter aux auteurs», a déclaré la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, qui s'est rendue sur place en fin de matinée.

Les blocages routiers ont été levés vers 13h et la vie a rapidement repris son cours normal. Les passants, visiblement peu préoccupés des développements du matin, s'attardaient longuement devant les vitrines spectaculaires du magasin ciblé pour apprécier l'évolution de personnages animés.

D'autres ont commencé à s'agglutiner devant les portes du Printemps, qui a repris ses activités normales vers 15h après que les autorités eurent complété une inspection des étages avec des chiens renifleurs.

Malgré l'apparence de normalité, l'inquiétude était palpable parmi les personnes qui travaillent dans le secteur.

«Moi, j'ai peur. J'ai appelé mon copain tout à l'heure pour le rassurer et je lui ai dit qu'il fallait que je me lance dans l'écriture de mon testament», a déclaré Céline Balian, responsable d'un petit stand situé à proximité du magasin ciblé.

Sa patronne s'est sauvée sans rien sécuriser lorsque les policiers ont demandé aux gens d'évacuer. Mais plusieurs employés du Printemps sont restés longtemps à l'intérieur pendant les recherches.

«D'après moi, ils n'ont rien dit pour éviter de créer un mouvement de panique», a déclaré Mme Balian, qui ne s'émeut guère de la présence actuelle de 2500 soldats français en Afghanistan.

«Moi, ça m'est égal», a-t-elle déclaré, faisant écho aux propos d'une autre femme, Marie-Hélène, qui s'est heurtée aux portes closes du magasin en début d'après-midi.

Lien avec l'Afghanistan?

«Je ne sais rien du tout de l'actualité», a commenté la femme de 40 ans à l'évocation du dossier afghan.

La pose d'explosifs dans le magasin constituait, selon elle, une «tentative d'intimidation». «Noël, c'est la bonne saison pour foutre la trouille au monde», a déclaré la Parisienne.

José Lourenco, qui travaille dans un stand adjacent à l'une des portes du Printemps, a indiqué que les gens avaient suivi sans paniquer les directives des policiers. «Quand on a vu arriver le camion de déminage, on a compris qu'il y avait un os», a souligné le commerçant, qui craint l'impact des menaces sur les ventes.

«Ce n'est déjà pas une bonne période pour le commerce. Si ces gens-là commencent en plus à créer la psychose, ça ne va pas aider», a-t-il déclaré.

Bien qu'un chef taliban ait menacé de frapper directement la France dans une vidéo diffusée récemment, les experts se montraient sceptiques hier quant aux liens du groupe responsable avec l'Afghanistan.

La lettre de menaces, exempte de toute référence religieuse, semblait peu compatible avec les écrits de groupes intégristes, a fait valoir un porte-parole du ministère de l'Intérieur. Certaines expressions semblaient plutôt tirées du vocabulaire des mouvements d'extrême gauche.

Le président français Nicolas Sarkozy a souligné qu'il fallait réagir avec prudence et modération aux développements du jour. «La vigilance face au terrorisme est la seule ligne possible: vigilance car malheureusement tout peut arriver, et fermeté parce qu'on ne transige pas avec les terroristes, on les combat», a-t-il déclaré.

Il reste à voir comment l'évocation du dossier afghan - fausse piste ou pas - affectera l'attitude de la population face à la présence militaire française en Afghanistan.

José Lourenco a son idée toute faite là-dessus. «Si on commence à céder, ce sont ces gens-là qui vont nous dicter comment on doit s'habiller, ce qu'on peut faire. Ce sont eux qui vont décider de tout», souligne-t-il.