Le Sénat américain a été incapable de se mettre d'accord jeudi soir sur un plan d'aide aux constructeurs automobiles, livrant ces derniers au spectre d'un dépôt de bilan qui met en péril 2,2 millions d'emplois directs et indirects.

Au terme d'une longue journée de tractations, les 100 sénateurs n'ont pu réunir la majorité requise des deux-tiers autour d'un plan d'aide à l'automobile, face à l'opposition farouche des républicains. «Nous n'avons pas été en mesure de franchir la ligne d'arrivée», a reconnu   le chef de la majorité démocrate, Harry Reid. «Nous pourrions passer toute la nuit, demain, samedi et dimanche, nous n'arriverions toujours pas à franchir la ligne d'arrivée».

«Des millions d'Américains, non seulement les salariés de l'automobile, mais aussi les vendeurs, les concessionnaires, tous ceux qui travaillent sur les voitures vont être directement touchés», a-t-il ajouté.

M. Reid a passé de longues heures jeudi à négocier avec un noyau dur de sénateurs républicains qui refusaient de sauver les trois grands groupes nationaux, General Motors, Chrysler et Ford. Ces derniers réclamaient au départ une aide de 34 milliards de dollars.

Les républicains ont exigé que les constructeurs et leurs puissants syndicats s'engagent sur des mesures de restructuration.

«Aucun de nous ne veut les voir faire faillite, mais nous ne pouvons rien faire pour les sauver du dilemme où ils se sont mis eux-mêmes», s'est justifié le chef de la minorité républicaine, Mitch McConnell. Il a estimé que le plan de sauvetage «franchement, ne pouvait pas marcher».

M. Reid s'est inquiété des répercussions sur les marchés alors que la Chambre des représentants, soutenue par la Maison-Blanche, avait adopté mercredi à une large majorité un prêt-relais de 14 milliards de dollars maximum qui devait permettre au secteur de «tenir» jusqu'à la fin mars, en attendant la mise en place d'un plan de redressement durable par la future administration Obama.

«Je crains de regarder Wall Street demain» (vendredi), a dit M. Reid. La Bourse de New York a déjà perdu 2,24% jeudi dans la perspective d'un échec du plan de sauvetage au Sénat et les Bourses asiatiques chutaient après la nouvelle. Tokyo perdait plus de 5%, tandis que le dollar passait sous la barre des 90 yens, pour la première fois depuis depuis 13 ans.

La Maison-Blanche s'est dite déçue par l'échec du projet de loi et a évoqué le risque de «des dépôts de bilan en catastrophe». «Nous allons évaluer nos différentes possibilités au vu de l'échec au Congrès», a un des porte-parole de la présidence américaine, Scott Stanzel.

Dans un vote de clôture de leur session, les sénateurs ont décidé par 52 voix contre 35 de clore le débat sans accord sur le plan d'aide d'urgence.

M. Reid a proposé à la Maison-Blanche d'utiliser une partie des 700 milliards de dollars votés en octobre pour le sauvetage du secteur bancaire afin d'aider l'industrie automobile. Cette possibilité a toujours été refusée par le secrétaire au Trésor Henry Paulson.

En début de soirée, General Motors, a reconnu qu'il préparait un éventuel dépôt de bilan. Le numéro un américain a fait savoir qu'il avait embauché des conseillers juridiques et des banquiers pour se préparer «à toute éventualité».

General Motors et son concurrent Chrysler ont averti qu'ils pourraient déposer leur bilan avant la fin de l'année s'ils n'obtenaient pas une aide de l'État. Ford, le troisième grand de l'industrie automobile américaine, en meilleure santé financière, assure n'avoir pas de problèmes de trésorerie immédiats.

Dans la journée, le président sortant George W. Bush et son successeur Barack Obama avaient joint leurs voix pour porter secours aux constructeurs.

«En cette période de grandes difficultés pour notre économie, nous ne pouvons pas nous permettre d'assister sans rien faire à l'effondrement de ce secteur», a déclaré M. Obama, le jour où étaient publiées de nouvelles données record sur le chômage.

Laisser les «trois Grands» de Detroit faire faillite aurait un effet «dévastateur» sur l'économie, avait-il estimé.

Les constructeurs américains, affaiblis depuis des années par une gamme de voitures trop gourmandes, ont été gravement pénalisés par la crise financière qui s'est traduite par le tarissement du crédit pour eux comme pour leurs clients.