Barack Obama a beau répéter qu'il ne peut y avoir qu'un seul président à la fois aux Etats-Unis, la gravité de la situation économique le force à prendre ses responsabilités à bras le corps, à huit semaines de son entrée à la Maison Blanche le 20 janvier.

Soulignant qu'il n'y a pas «une minute à perdre», le président élu a démarré la période de transition sur les chapeaux de roue, en nommant avec un rare empressement son équipe économique et en traçant les grandes lignes d'un ambitieux plan de relance.

Tout aussi inhabituel est le niveau de coopération entre l'entourage d'Obama et l'administration sortante du président George W. Bush, qui reste aux commandes en période de grave crise financière.

«Nous travaillons main dans la main avec eux», a déclaré la porte-parole de la Maison Blanche Dana Perino, après que le président Bush a informé son successeur de son intention de procéder au sauvetage du géant bancaire Citigroup.

Le futur président a promis de respecter les interventions de Bush mais plaide simultanément pour un plan d'action coordonné de relance de l'économie, comme pour critiquer l'approche morcelée suivie par son prédécesseur.

«Il ne doit pas y avoir le moindre doute quant à notre devoir d'orienter notre pays dans une nouvelle direction et de mettre un terme aux mêmes vieilles pratiques qui nous ont mis dans le pétrin», a déclaré Barack Obama mardi, lors de sa deuxième conférence de presse d'une série de trois en trois jours.

Il a évoqué l'ex-président Franklin D. Roosevelt, qui avait repoussé une offre du sortant Herbert Hoover de répondre conjointement à la grande crise des années 1930.

Mais Obama ne peut se permettre d'attendre quand les fortunes se font et se défont en une minute à l'ère de l'internet.

«Tout cela signifie qu'Obama doit agir comme un président avant de l'être officiellement, et cela implique une coordination avec Bush», commente l'historien Julian Zelizer, de l'université de Princeton.

Cet analyste juge «inhabituel» de voir un président élu prendre si tôt les affaires publiques à bras le corps, ce qu'il attribue à plusieurs facteurs.

«Le premier est la crise économique majeure que nous traversons, une crise qui fait partie de l'instabilité mondiale et qui potentiellement pourrait s'aggraver chaque jour», explique l'historien.

«Le deuxième est que l'on a un président sortant très affaibli politiquement et qui est confronté à un Congrès démocrate. Il n'est pas très offensif sur l'économie, et quand il le fait, il est limité dans ce qu'il peut faire», ajoute-t-il.

Le prochain locataire de la Maison Blanche a commencé, mesure également inhabituelle, par nommer son équipe économique, avant d'annoncer plus tard celle chargée de la sécurité nationale. Il a choisi des poids lourds qui partagent sa vision de changement.

«Il n'y a pas de visionnaires mais nous n'avons pas besoin de visionnaires quand les périls économiques sont clairs et immédiats», explique Robert Reich, ex-ministre du Travail sous Bill Clinton et conseiller de Barack Obama.

«Nous avons besoin de compétences», ajoute-t-il.

Mais il pourrait être périlleux pour le futur président d'être au coeur de toutes les attentions alors qu'il est dépourvu d'autorité d'ici au 20 janvier et qu'il risque d'endosser la responsabilité de politiques impopulaires de Bush.

Pour Stephen Hess, spécialiste de la Maison Blanche à la Brookings Institution, c'est un risque qu'Obama doit prendre.

«Il donne beaucoup plus de sens à ce que sera sa politique par rapport à ce que nous aurions pu attendre pendant une transition», dit-il. «Il va au-delà des simples priorités, tout a dû être accéléré».