Swanee Hunt se souvient d'un certain voyage d'Hillary Clinton en Bosnie. «C'était en décembre 1997», précise celle qui était ambassadrice des États-Unis en Autriche lors du premier mandat de Bill Clinton à la Maison-Blanche.

La date est importante. Ceux qui ont suivi la course à l'investiture démocrate se rappellent d'une autre visite de l'ex-First Lady en Bosnie. Dans plusieurs discours, la sénatrice de New York avait fait état de «tirs de sniper » à son arrivée à l'aéroport de Tuzla en mars 1996, une version démentie par les images de télévision de l'époque. L'anecdote devait servir à illustrer l'expérience internationale de la candidate, qui avait dû par la suite admettre qu'elle s'était «mal exprimée». L'histoire avait surtout permis au camp adverse de mettre en doute son honnêteté.

Mais ce fameux voyage de 1996 ne semble plus compter. Barack Obama devrait officialiser sous peu la nomination de son ancienne rivale au poste de secrétaire d'État, une décision qui soulève plusieurs questions, dont celle-ci : à quoi ressemblera la diplomatie américaine sous Hillary Clinton?

Swanee Hunt répond à cette question en évoquant le deuxième voyage de l'ex-First Lady dans les Balkans. Pendant que Bill Clinton rencontrait les membres de la présidence tricéphale de la Bosnie-Herzégovine, sa femme et la diplomate américaine s'entretenaient avec des représentants d'ONG, des éducateurs, des écrivains et des politiciens locaux.

«En sortant de cette rencontre, elle s'est exclamée: "Ah! Ce pays a un bel avenir! En sortant de sa rencontre, il a dit: "Je ne vois pas comment ils parviendront à s'en sortir." C'est comme s'ils venaient d'émerger de deux univers parallèles. La différence, c'est qu'elle avait trouvé dans la communauté une force qui permettait d'envisager l'avenir avec optimisme», raconte Swanee Hunt au cours d'un entretien téléphonique.

Femme de coeur et de tête

L'ex-ambassadrice, qui enseigne aujourd'hui à Harvard, ajoute: «Ce que cette histoire me dit, c'est qu'Hillary Clinton n'est pas seulement rompue aux dures réalités politiques. Il y a chez elle une grande chaleur et une grande intelligence qui lui permettent d'établir des contacts rapides avec les gens. Elle croit beaucoup au soft power, cette idée de Joseph Nye selon laquelle les États-Unis ont le pouvoir de convaincre et non pas seulement de contraindre. C'est une femme qui se laisse guider par son coeur et qui agit avec sa tête.»

Hillary Clinton a pourtant souvent donné l'impression d'être une adepte du pouvoir coercitif (hard power) durant la course à l'investiture. Elle a notamment qualifié d'« irresponsable et franchement naïve» l'idée de Barack Obama de rencontrer inconditionnellement les dirigeants de pays hostiles comme l'Iran, la Syrie ou Cuba. Elle a également menacé les Iraniens d'anéantir leur pays en cas d'attaque contre Israël.

«S'ils tentent stupidement, au cours des 10 prochaines années, de lancer une attaque contre Israël, nous serons en mesure de les réduire à néant», avait-elle déclaré lors d'une entrevue sur la chaîne ABC.

William Quandt, professeur de relations internationales à l'Université de Virginie, ne s'offusque pas de ce discours de faucon.

«Au-delà de la rhétorique électorale, il n'y a pas grand-chose qui sépare Hillary Clinton de Barack Obama en matière de politique étrangère, dit-il. Elle est, de toute évidence, une personne intelligente qui possède une expérience considérable sur le plan international, car elle a rencontré plusieurs leaders étrangers au cours de ses voyages en tant que First Lady. Personne ne doute de ses qualités personnelles.»

Neutraliser Bill Clinton

Le professeur Quandt s'interroge cependant sur le rôle que joueront Bill Clinton et ses anciens conseillers auprès d'Hillary Clinton et de Barack Obama.

«Obama commettrait une erreur en faisant appel à Bill Clinton, dit-il à La Presse. Ce sera déjà assez difficile de composer avec une Clinton. Je pense que l'ancien président devra être neutralisé. De la même façon, Hillary commettrait une erreur en s'entourant seulement d'anciens membres de l'administration Clinton comme Dennis Ross et Richard Holbrooke. Je pense que nous avons besoin d'une nouvelle façon de penser.»

Autre point d'interrogation : la relation entre Barack Obama et Hillary Clinton. Ces deux personnalités fortes parviendront-elles à oublier la hargne qui a marqué leur bataille épique? Swanee Hunt, qui connaît la sénatrice de New York depuis 1992, n'a aucun doute sur la réaction de son amie.

«Hillary a travaillé à un projet de loi au Sénat avec Lindsay Graham, qui avait joué un rôle majeur dans l'impeachment de son mari, rappelle-t-elle. Je n'ai donc aucun doute sur sa capacité de travailler avec Obama, d'autant plus qu'ils s'entendent sur 99% des sujets.»