Il y a 143 ans, les Noirs s'affranchissaient de l'esclavage. Il y a 44 ans, les Noirs obtenaient le droit de vote partout aux États-Unis. Et hier, un Noir a été élu 44e président des États-Unis d'Amérique.

«Si jamais quelqu'un doute encore que l'Amérique est un endroit où tout est possible, qui se demande si le rêve de nos pères fondateurs est toujours vivant, qui doute encore du pouvoir de notre démocratie, la réponse lui est donnée ce soir», a lancé le nouveau président à la foule de partisans réunis à Chicago. «Il a fallu longtemps. Mais ce soir, grâce à ce que nous avons accompli aujourd'hui et pendant cette élection, en ce moment historique, le changement est arrivé en Amérique.» Au terme d'une campagne électorale épique et d'une soirée électorale électrique, Barack Obama, 47 ans, a remporté hier la présidence américaine en raflant 367 grands électeurs sur 538. Il en avait besoin de 270 pour entrer à la Maison-Blanche. Il a également remporté la majorité au Sénat et à la Chambre des représentants.

Très digne, le candidat républicain John McCain a salué la victoire de son adversaire en stoppant net les huées de la foule, affirmant que son rival était «un homme bon».

«À lui seul, son succès commande mon respect, pour ses aptitudes et sa persévérance», a-t-il dit. «C'est une élection historique et je reconnais la signification spéciale qu'elle a pour les Africains-Américains et la fierté spéciale qu'ils doivent ressentir ce soir.» Plus tôt, il avait appelé Barack Obama pour le féliciter. «J'ai besoin de votre aide, vous êtes un leader sur tellement de sujets importants», lui a répondu le nouveau président.

Le président George W. Bush a également félicité le candidat démocrate. «Vous êtes à la veille d'un parcours extraordinaire. Félicitations et profitez-en», a dit le président Bush, selon sa porte-parole. Bush aurait promis une transition en douceur à la Maison-Blanche.

Les États basculent vers Obama

Barack Obama a remporté le district de Columbia et 29 États, dont l'Ohio, la Caroline-du-Nord et la Floride, des États bascules significatifs. Il a également gagné l'Iowa, qui lui avait déjà donné sa première victoire lors des élections primaires en janvier dernier. Il a même arraché la Virginie, qui n'avait pas voté démocrate depuis 40 ans.

John McCain a enlevé 21 États dont la Georgie, la Caroline-du-Sud, le Texas et le Tennessee. Il a été élu chez lui, en Arizona, mais il a perdu le New Hampshire, l'État qui avait relancé sa campagne présidentielle lors des primaires. Il avait en main 171 grands électeurs.

Mais les données du vote populaire indiquent que les Américains sont plus divisés qu'il ne paraît sur le choix du nouveau président. Au moment de mettre sous presse, Obama avait recueilli plus de 52 millions de votes, (51 %), contre plus de 48 millions pour McCain (48 %).

Une nouvelle ère

Une nouvelle ère s'annonce tant le ton modéré d'Obama que ses politiques plus sociales que conservatrices tranchent avec le style adopté depuis huit ans par George W. Bush.

Mais Barack Obama hérite d'un pays aux prises avec une situation économique critique. La crise financière, la plus grave depuis 1929, a éclipsé tous les enjeux de la campagne, même la sécurité nationale. Les États-Unis sont pourtant engagés dans deux guerres, en Irak et en Afghanistan, qui ont tué 4800 soldats américains depuis 2001.

Barack Obama a d'ailleurs promis de retirer progressivement les troupes d'Irak sur une période de 16 mois et de concentrer les efforts à la lutte contre Al-Qaeda et les talibans en Afghanistan. Il s'est également engagé à fermer le centre de détention de Guantánamo Bay à Cuba.

Obama a aussi reconnu le réchauffement climatique planétaire et s'est engagé à prendre des mesures pour le réduire.

Sur le plan fiscal, le candidat démocrate a dit vouloir annuler les réductions d'impôts pour les riches et les appliquer à la classe moyenne. Il veut aussi rendre les soins de santé plus accessibles pour les non-assurés et couverts pour tous les enfants.

Barack Obama et le vice-président Joe Biden feront leur entrée officielle à la Maison-Blanche le 20 janvier 2009.

Défaite amère

Du côté républicain, la défaite, quoique annoncée par les sondages des derniers jours, sera difficile à encaisser.

John McCain, 72 ans, sénateur de l'Arizona depuis 1987, s'est fait reprocher pendant la campagne de ne pas avoir attaqué assez férocement son adversaire démocrate.

Son choix de colistière, Sarah Palin, a surpris tant les militants républicains que les observateurs politiques. La jeune gouverneure de l'Alaska – elle a 44 ans –, farouchement pro-vie et opposée au contrôle des armes à feu, a plu à l'aile conservatrice et religieuse républicaine. Mais son inexpérience politique évidente pendant la campagne a donné l'impression que la colistière était devenue le boulet du candidat républicain.

Dans les dernières semaines de la campagne, l'avancée de Barack Obama a forcé les républicains à mettre les bouchées doubles pour séduire les États bascules. Ils ont même dû se battre pour conserver des États qui leur sont traditionnellement acquis, comme la Virginie et l'Indiana, tant les démocrates grugeaient l'écart qui les séparaient de la victoire.

 

— Avec Associated Press et Charles Côté