Le ciel de Miami a changé de couleur vers 23 h hier. Les feux d'artifice ont jailli de partout dans le ciel. Depuis, des klaxons retentissent. Les policiers filent à toute allure dans les rues de la Petite Haïti, avenue Martin Luther King, patrie des Afro-Américains dans le comté de Miami. Des Haïtiens descendent dans les rues. Ils dansent. Ils s'entrelacent. Ils pleurent. Ils chantent aussi. Ils embrassent le sol.

Les démocrates de Barack Obama ont arraché 51 % des voix hier dans cet État qui avait soulevé la controverse en 2000. «Thank you my God, oh my God !» hurle une femme en regardant le ciel de la Floride. «Alléluia !» répète une autre, en ajoutant que le pays a enfin un président. «Nous venons de retrouver l'espoir», lance à La Presse Bernie William, grand-mère de 12 enfants, une Haïtienne qui n'est jamais sortie de son quartier et qui est sans emploi comme une majorité de la population ici, l'une des plus pauvres des États-Unis.Quelques minutes plus tard, la communauté forme une rangée d'honneur dans la rue. Il y a des pancartes à l'effigie d'Obama partout. Puis une femme sort en criant que les démocrates viennent de gagner la Floride, État traditionnellement républicain. «On a réussi, on a réussi, nous sommes capables de changer les choses, de changer notre vie», dit une femme, la voix étranglée par l'émotion.

Pendant ce temps, des enfants dansent partout, la couche aux fesses. Un petit garçon, les yeux rougis, porte un chandail «Obama kid», et dit à La Presse que le président des États-Unis est un Noir, comme lui. Sa grand-mère ne cache même plus ses larmes en le regardant. «C'est historique, c'est historique», ajoute-t-elle dans un grand soupir de soulagement.

La superviseure du bureau du Parti démocrate du quartier n'en croit pas ses yeux. Elle n'a pas dormi depuis 24 heures afin de faire sortir le vote. «Je ne réalise pas, on a réussi l'impossible», lance Karen André.

Le ton monte

Plus tôt et plus au sud, vers 19 h, dans la Petite Havane, à la fermeture des bureaux de scrutin, les sirènes des voitures de police résonnaient dans le centre-ville humide.

Dans le vieux quartier Calle Ocho, où vit une majorité de Cubains, le ton venait de monter d'un cran. Les policiers sortaient en trombe. Des dizaines d'Hispaniques brandissaient des pancartes bleues d'un côté de la rue en criant «Obama, Obama, Obama !» De l'autre, des Cubains huaient à tue-tête en criant «McCain, McCain, McCain» en menaçant les démocrates de leurs pancartes.

Les gens rencontrés hier ont parlé d'élections qui vont changer à jamais la Floride, un État qui vote traditionnellement pour les républicains et qui pèse lourd dans la balance avec 27 voix au Collège électoral.