En sillonnant les quartiers résidentiels de la petite ville située au nord de Fort Lauderdale, on a l'impression qu'elle a été coupée en deux par la course à la Maison-Blanche. Près du canal de Pompano Beach, là où les maisons sont cossues, des pancartes en faveur de John McCain flirtent avec des décorations aux couleurs soleil.

Deux rues plus loin, en se rapprochant de l'autoroute 95, les propriétés plus modestes affichent leurs préférences pour le démocrate Barack Obama. Les deux quartiers, totalisant 100 000 habitants, n'ont qu'un point en commun: les pancartes immobilières «à vendre». Il y en a partout. De toutes les couleurs.Terry a 51 ans. Elle travaille dans un petit resto cubain du boulevard principal pour gagner sa croûte. Encore accrochée au rêve américain de John F. Kennedy, elle raconte à La Presse que tous ses proches connaissent au moins quelqu'un qui a perdu sa maison. Ou son gagne-pain.

«C'est quand même ironique de penser qu'on vit dans l'État de l'orange, mais qu'il faut payer la caisse quatre fois le prix d'autrefois pour pouvoir en servir à nos clients, lance-t-elle. Il nous faut un président qui va travailler pour la classe moyenne. On s'en fiche des richesses des grandes pétrolières. Personnellement, j'aurais préféré voter pour Hillary Clinton, elle est plus branchée sur la famille. Mais Obama me semble ouvert.»

À quelques heures du grand dénouement, la Floride donne l'impression de retenir son souffle. Les candidats sont à égalité dans les sondages. Cet État bascule (swing state, comme disent les Américains) aura maintenu le suspense jusqu'au bout. Au cours des 24 dernières heures, John McCain a joué le tout pour le tout avec une apparition surprise à Miami, puis à Tampa. Il tentait de séduire les citoyens âgés de plus de 55 ans qui représentent 17% de la population. Les vétérans aussi. L'homme mise sur la peur du changement et tire à boulets rouges sur la répartition de la richesse, véhiculée par le candidat Barack Obama.

Go vote!

Au coeur de la communauté afro-américaine, chemin M. Luther-King, entre Liberty City et la petite Haïti, des Noirs au style «rap» se tenaient dans la rue, hier, pour vendre chandails, macarons, montres et bijoux à l'effigie de leur idole Obama. David, les dents entièrement recouvertes d'un plaquage or, explique qu'il ira voter pour la première fois. Son amie Maria aussi.

Dans le secteur, 30 000 personnes se sont prévalues de leur droit de vote par anticipation au cours des deux dernières semaines. «C'est incroyable», a lancé Karen André, superviseure dans un bureau du Parti démocrate du quartier. La jeune femme, native du quartier, explique qu'elle a passé les deux dernières semaines à démystifier le bulletin de vote auprès des gens de sa communauté. .

«C'est difficile de s'y retrouver dans le bulletin de vote pour les gens dont l'anglais n'est pas la première langue et qui s'expriment en créole, dit-elle. Les déplacements représentent aussi un problème pour les handicapés et ceux qui n'ont pas d'auto. Notre objectif, notre mission plutôt, est donc de faire sortir le vote dans la communauté noire.»

Dans l'État de la Floride, on estime que 600 000 démocrates inscrits n'ont pas voté aux dernières élections, en 2004. Près du quart des familles de l'État vivent sous le seuil de la pauvreté, contrairement à 9,8% pour le reste des États-Unis. Avec la crise alimentaire et la flambée du coût de l'essence, même les organismes qui distribuent de la nourriture aux pauvres ont lancé un appel à l'aide au gouvernement.

Esben Alslund est un étudiant danois qui a traversé l'Atlantique pour prêter main-forte au Parti démocrate dans Liberty City. Il constate que les Afro-Américains ont retrouvé l'espoir depuis quelques jours. «Ces gens-là ont arrêté de croire en la politique et en l'Amérique il y a longtemps, estime-t-il. Plusieurs vont voter pour la première fois. Je pense que si Obama n'est pas le prochain président, ils ne voudront plus jamais croire en la démocratie, et aller voter.»