Même si les sondages donnent Barack Obama gagnant au New Hampshire, rien n'est joué dans cet État frondeur qui entretient un lien particulier avec John McCain. Voyage chez des «non-alignés» qui aiment faire mentir toutes les prévisions.

Derrière l'affiche McCain/Palin piquée dans la pelouse de Lynn et Jim Savage, il y a l'histoire d'une tragédie. Puis l'histoire d'une rencontre.

 

La tragédie a frappé la famille du soldat Matthew Stanley, tué à 22 ans dans l'explosion d'une bombe en Irak. Un jour de décembre 2006, des hommes en uniforme ont cogné chez Lynn et Jim à Wolfeboro, une bourgade tranquille du New Hampshire qui ne s'anime qu'en été, avec l'arrivée des vacanciers.

Quand elle a compris que le rire de son fils ne résonnerait plus jamais entre les murs de sa maison, Lynn Savage s'est effondrée. «Je suis restée couchée pendant cinq mois», raconte-t-elle dans le salon rempli de souvenirs de Matthew.

Puis, un jour d'août 2007, John McCain, qui préparait alors sa course à l'investiture républicaine, s'est arrêté à l'hôtel de ville de Wolfeboro. Présente à la rencontre, Lynn Savage lui a tendu un bracelet commémorant la mort de son garçon. «Je voulais qu'il le porte pour rendre hommage à mon fils et à tous les autres soldats morts en Irak», se souvient-elle.

John McCain lui a promis de porter ce bracelet jusqu'à la fin de ses jours. Il le garde au poignet dans toutes ses apparitions publiques. Et chaque fois qu'il passe dans le New Hampshire, il ne manque jamais d'appeler la famille Savage.

Jusqu'à cette année, Lynn Savage avait toujours voté pour les démocrates. Son mari, lui, est un républicain, un vrai de vrai. Pour éviter la chicane, le couple n'avait jamais mis d'affiche électorale devant sa maison. Sauf cette année, alors que cette éducatrice spécialisée s'apprête à voter, pour la première fois de sa vie, pour un candidat républicain.

L'enfant chéri du New Hampshire

Au New Hampshire, cette mère «orpheline» n'est pas la seule à nourrir une affection particulière pour John McCain, qui a ratissé cet État de long en large pour gagner le coeur de ses électeurs.

Et ça marche. McCain a remporté le New Hampshire contre George W. Bush aux primaires de 2000. Et sa victoire aux primaires 2008 a lancé sa course à l'investiture républicaine.

«Les gens ont tellement vu John McCain faire campagne au New Hampshire qu'ils ont l'impression de le connaître personnellement. Et ils aiment son côté iconoclaste, libertaire», explique l'analyste Dean Spiliotes.

Au cours des dernières années, McCain s'est pourtant rapproché de George W. Bush et ça lui a fait perdre un peu de plumes dans cet État rallié derrière la devise: «Vivre libre ou mourir!» Ce réalignement constitue l'une des raisons qui jouent en faveur de Barack Obama, disent les analystes.

D'après les sondages, le candidat démocrate devance son adversaire de quatre à 15 points. Mais il faut faire attention aux sondages, avertit John Distaso, chroniqueur au Union Leader, le principal quotidien du New Hampshire. «Avant la primaire démocrate, tous les sondages donnaient Barack Obama gagnant, et c'est Hillary Clinton qui l'a remportée avec 6000 voix de majorité!», rappelle-t-il.

Du rouge au bleu

Le New Hampshire est un État divisé. George W. Bush y a battu Al Gore par un seul point de pourcentage, à la présidentielle de 2000. Quatre ans plus tard, c'est par une marge tout aussi mince que le démocrate John Kerry y a défait George W. Bush.

Cette année, le Union Leader donne son appui à John McCain. Un autre journal, le Concord Monitor, soutient Barack Obama. Et ces divisions se confirment sur le terrain. À Wolfeboro, les affiches républicaines dominent. Dans une boutique de souvenirs, le propriétaire Rick Smith, républicain jusqu'aux os, se méfie de Barack Obama. «Vous savez comment il s'appelle? Barack Hussein Obama. HUSSEIN! Ça ne vous dit rien?» dit-il en laissant entendre que le candidat démocrate est, en fait, un musulman.

À une heure de là, la ville universitaire de Durham est résolument démocrate. «John McCain est de la génération de la guerre froide, qui voyait tout dans lorgnette de l'affrontement. Barack Obama a grandi dans les années 70, il est différent», analyse l'étudiant en histoire Jeff Brunelle.

Une ville rouge, une ville bleue... La preuve que tout peut encore arriver dans cet État bariolé: à quelques jours du vote, les deux partis y dépêchent leurs plus gros canons. Hillary Clinton y est venue mardi, Bill Clinton sera là ce week-end, tout comme John McCain.

C'est beaucoup d'énergie pour quatre petites voix au Collège électoral. Et pour le journaliste John Distaso, c'est bien la preuve que tout peut arriver: «Si les jeux étaient faits, tous ces gens ne viendraient pas au New Hampshire!»

 

NEW HAMPSHIRE

Capitale : Concord

Plus grande ville : Manchester

Population: 1 315 828