Pas de consensus. Du nord au sud de la Floride, impossible de déterminer si la balance va pencher pour Obama ou pour McCain, lors de l'élection présidentielle du 4 novembre. Dans cet État, que se disputent âprement les deux candidats, les électeurs restent divisés et à l'heure du résultat, près de la moitié des habitants risquent d'être mécontents.

En 2004, l'État de Floride -et ses 27 grands électeurs- avait été remporté par George W. Bush. Les sondages y donnent MM. Obama et McCain au coude à coude. L'Associated Press a pris le pouls de ces électeurs au fil des 450 kilomètres de l'autoroute I-95, qui traverse la Floride du nord au sud.

Près de la Géorgie, tout à fait au nord de l'État, l'autoroute traverse le comté de Nassau, traditionnellement acquis aux républicains, qui y comptent 52% d'adhérents déclarés sur les listes contre 33% pour les démocrates.

Kelly Coonrod tient une petite poissonnerie à Fernandina Beach. Inscrit comme républicain, il a pourtant l'intention de voter Obama, séduit par ses idées en matière de politique étrangère, et par ce qu'il décrit comme une ouverture d'esprit. Kelly Coonrod a soutenu George W. Bush, mais ce n'est plus le cas, et John McCain ne l'a pas convaincu.

Les républicains locaux décrivent Barack Obama comme un représentant du socialisme faisant affront aux valeurs républicaines. Mais l'équipe de campagne du démocrate s'est beaucoup investie dans cet endroit, où elle dispose d'un salarié, ce qui n'est pas de McCain.

Un peu plus au sud se trouve American Beach. Cette plage, contrairement à beaucoup d'autres dans le nord de la Floride, était ouverte aux Noirs à l'époque de la ségrégation. James Robinson y venait chaque été de New York, trouvant rarement un hôtel acceptant les gens de couleur pour faire étape sur la route. Aujourd'hui âgé de 77 ans, ce démocrate inconditionnel y passe sa retraite. Il ne peut s'empêcher de penser que l'histoire est du côté de Barack Obama.

«Je ne vote pas seulement pour lui parce que c'est un type élégant et intelligent, mais aussi parce que c'est le sens de l'histoire. Qui aurait imaginé, partant de l'esclavage, d'en arriver là ?», rappelle-t-il.

Dans la ville de Saint Augustine, Amy Pearce, 28 ans, s'inquiète plus de savoir comment elle va payer son loyer, que pour qui elle va voter. Elle ne connaît pas les propositions détaillées des candidats mais a grandi dans une famille républicaine et déclare pencher pour John McCain. «J'espère juste, je prie pour quel que soit le vainqueur, il aide les petites gens.»

Plus au sud, l'autoroute I-95 traverse Ormond Beach. Installé dans un bar de motards, le Iron Horse Saloon, Brian Beaupre, 47 ans, estime qu'aucun des candidats ne réussira à secouer le Congrès. «Il ne se passera rien», prédit-il. Républicain, il pense pourtant que Barack Obama va l'emporter. Et affirme qu'il pourrait voter pour le démocrate, rien que pour pousser le pays sur une pente glissante qui permettra, espère-t-il, de rétablir les républicains au pouvoir.

Dans ce bar, la question de la couleur de peau du sénateur de l'Illinois est évoquée ouvertement. La plupart de ceux qui en parlent soutiennent le candidat démocrate. Don Burch, ancien militaire de 58 ans, pense que Barack Obama va réussir à gagner, en dépit du racisme diffus dans l'électorat.

Lors de ce parcours le long de l'autoroute I-95, Barack Obama a semblé être plus attrayant que John McCain. Mais plus au sud, d'autres facteurs démographiques entrent en jeu. Hillary Clinton y a obtenu un large soutien et certains n'admettent pas sa défaite lors des élections primaires du Parti démocrate ayant abouti à l'investiture de M. Obama pour la présidentielle.

La Floride du Sud est habitée par la plus vaste communauté juive du pays, et les rumeurs sur Barack Obama s'y répandent si facilement que le noyau démocrate, habituellement solide, apparaît moins fiable que d'habitude, à l'exemple de Sandy Levy, une habitante de Boynton Beach.

Militante démocrate depuis 2000, elle n'a voté qu'une seule fois pour un républicain, lors de la réélection de Ronald Reagan en 1984. George W. Bush restera pour elle le pire président de l'histoire, et elle n'apprécie pas non plus Sarah Palin, la colistière de John McCain. Elle est favorable aux droits à l'avortement et à ceux des homosexuels. Et pourtant, elle votera pour McCain. Elle ne fait pas confiance à Barack Obama et ne le trouve pas assez solide sur la question d'Israël.

L'autoroute finit à Miami, où se mélange une importante population d'Haïtiens et de Cubains, de scientologues, d'étudiants et de millionnaires, et encore beaucoup plus de démocrates et de républicains. L'I-95 se jette alors dans un boulevard au nom symbolique: Unité.