WASHINGTON - A quoi ressemblerait une présidence John McCain? Républicain anticonformiste, il risque de devoir continuer à porter ses habits de franc-tireur s'il est élu, car les chances sont grandes qu'il se retrouve face à un Congrès penchant encore plus vers la gauche qu'aujourd'hui.

Une fois à la Maison Blanche, il pourrait décider de batailler vigoureusement sur certaines questions qui lui tiennent à coeur, comme le refus d'un calendrier de retrait pour les forces américaines en Irak.

Le président McCain chercherait à faire voter de nouveaux crédits d'impôts au titre de l'assurance-santé et s'attaquerait probablement avec détermination au problème du changement climatique, ce qui serait une première pour un président républicain, tout en autorisant davantage de forages pétroliers au large des côtes américaines.

Sa marge de manoeuvre serait toutefois réduite à cause de la crise financière et du renforcement attendu de la majorité démocrate au Congrès lors des élections du 4 novembre. John McCain a déjà montré sa capacité à travailler avec les parlementaires démocrates tout en tenant tête aux élus de son propre parti. Une qualité qui lui sera précieuse s'il est élu. «Il ne pourra pas gouverner comme un républicain conservateur», souligne le politologue Darrell West, de la Brookings Institution.

Mais sa tâche risque d'être compliquée par les positions conservatrices qu'il a adoptées durant la campagne. «S'il fait trop de compromis avec les démocrates, il sera confronté à une rébellion de la base conservatrice qui l'a toujours soupçonné de ne pas être un des leurs», explique M. West.

Malgré son discours volontariste, le sénateur de l'Arizona sait qu'il devra faire preuve de pragmatisme. Son engagement à réduire les dépenses publiques pourrait être plus difficile à tenir à cause de la crise. «Cela n'a pas beaucoup de sens économiquement, alors que l'on s'achemine peut-être vers une récession, de réduire radicalement le déficit fédéral», explique Steven Smith, de l'université Washington à Saint Louis.

McCain reconnaît lui-même que l'économie n'est pas son fort et on peut supposer qu'il s'en remettra largement dans ce domaine à l'avis de ses conseillers et des membres de son cabinet. Il est en revanche plus à l'aise sur la politique étrangère. Alors que l'armée américaine est engagée en Irak et en Afghanistan, l'ancien prisonnier de guerre au Vietnam, fis et petit-fils d'amiraux, affirme avoir les compétences nécessaires pour être le commandant en chef.

Selon Calvin Mackenzie, un politologue de l'université Colby, McCain pourrait faire de quelques questions symboliques les chevaux de bataille de sa présidence et déléguer les autres dossiers. M. Mackenzie voit McCain mener une présidence à la Dwight Eisenhower, en d'autres termes, «un homme d'Etat de premier plan couronnant sa carrière à la Maison Blanche sans réel programme pour agir et ne poussant pas très loin les initiatives politiques», précise-t-il.

S'il y a une chose à laquelle on peut s'attendre de la part du candidat républicain, c'est bien son imprévisibilité. «Je l'imagine sur telle ou telle question essayant de trouver des accords surprises», déclare M. Smith.

Il a déjà fait sensation en prenant comme colistière Sarah Palin, la gouverneure de l'Alaska, dont la désignation a fait couler beaucoup d'encre et soulevé des interrogations quant à sa capacité à servir au poste de vice-président.

En cas de victoire du «ticket» républicain, Mme Palin a indiqué qu'elle jouerait un rôle majeur dans trois domaines: la promotion de l'indépendance énergétique, la réforme de l'Etat et l'accompagnement des familles qui ont des enfants avec des besoins particuliers. Des choix cohérents au vue de son parcours politique: en tant que gouverneure d'Alaska, elle a eu à traiter diverses questions liées au gaz et au pétrole et a poussé à la réforme de l'administration locale. Elle est aussi mère d'un bébé de six mois, Trig, atteint de trisomie 21.

Selon M. Smith, John McCain pourrait travailler avec Sarah Palin de la même manière que le président George Bush père avec son vice-président Dan Quayle, lui déléguant de larges responsabilités dans quelques domaines précis. Un rôle bien différent de celui de conseiller multicartes joué par l'actuel vice-président Dick Cheney.