À en croire Joe Smallhoover, qui vit à Paris, pas l'ombre d'un nuage ne plane sur les rapports entre Français et Américains.

«Ça fait 23 ans que j'habite ici et je n'ai jamais vu quelqu'un réagir négativement au fait que je suis originaire des États-Unis. J'entends souvent des critiques sur le gouvernement américain, mais rien contre les Américains», souligne cet avocat qui préside la section française du Parti démocrate.

 

«Peut-être que les gens se montrent simplement polis», ajoute M. Smallhoover après un moment de réflexion.

Les sondages sur la perception qu'ont les Français des États-Unis et de leurs ressortissants suggèrent, en effet, l'existence de sentiments partagés.

Dans un livre intitulé L'ennemi américain, le sociologue français Philippe Roger explique que l'anti-américanisme français, bien que plus ancré à gauche, touche presque toutes les couches de population sans pour autant s'accompagner d'animosité «ressentie» envers les Américains.

Éric Fassin, sociologue rattaché à l'École normale supérieure de Paris, estime quant à lui qu'il existe une «concurrence» historique entre les deux pays qui rend leur relation singulière. «La France et les États-Unis ont tous deux prétendu incarner l'universel», souligne le chercheur. La population française, dit-il, éprouve «un investissement affectif très fort sur le modèle de l'ambivalence» avec l'Amérique, sur laquelle elle est de mieux en mieux informée.

Les stéréotypes sont loin pour autant de disparaître, constate Xavier Bachelot, rédacteur du journal d'un organisme qui coordonne des séjours culturels de longue durée à l'étranger pour jeunes Français. Il existe, selon lui, un «rapport de fraternité et d'envie» entre les deux pays, qui s'accompagne d'un «double complexe».

D'un côté, les Américains, très admiratifs de la culture française, tendent à compenser leur complexe d'infériorité culturelle par un complexe de supériorité basé sur la force. Les Français, de leur côté, se «gargarisent» de leur «caractère exceptionnel» pour compenser leur sentiment d'infériorité face à la puissance américaine.

Les jeunes qui partent outre-mer ont tendance à s'élever au-dessus de ces «jeux de miroirs», souligne M. Bachelot. «Ils prennent connaissance de l'intérieur, en vivant là-bas, de la complexité du monde.»