«Qui est le vrai Barack Obama?» demande John McCain dans ses discours, laissant entendre que le candidat démocrate présente une fausse image de lui-même.

On pourrait poser la même question aujourd'hui au sujet du candidat républicain, dont la réputation d'homme honnête, indépendant et courageux pourrait ne pas survivre à la campagne présidentielle de 2008.

«Je vais rehausser le niveau du dialogue politique en Amérique », avait promis le sénateur de l'Arizona au début de l'année. «Je vais traiter mes adversaires avec respect et demander qu'ils me traitent avec respect.»

L'engagement de John McCain avait d'autant plus de poids qu'il avait lui-même fait l'objet d'une campagne d'insinuations calomnieuses lors de la course à l'investiture républicaine de 2000. À la veille de la primaire de la Caroline-du-Sud, des gens qui se faisaient passer pour des sondeurs avaient appelé les électeurs pour leur demander : «Seriez-vous plus ou moins enclin à voter pour John McCain si vous saviez qu'il est le père d'un enfant noir illégitime?»

D'autres électeurs avaient reçu des appels enregistrés qui disaient que John McCain était en faveur de l'utilisation de foetus humains à des fins de recherche scientifique. Le sénateur de l'Arizona avait qualifié ces appels de « haineux » et exprimé en privé son dégoût pour ceux qui les avaient autorisés, George W. Bush et son stratège principal, Karl Rove.

Disciples de Rove

Or, huit ans plus tard, John McCain ne compte pas seulement plusieurs disciples de Karl Rove parmi ses conseillers, dont Steve Schmidt, son stratège principal. Il utilise également certaines des tactiques qu'il avait dénoncées lors de la campagne de 2000.

Ainsi, l'équipe du candidat républicain a donné le feu vert il y a quelques jours à une vaste campagne d'appels enregistrés qui associent Barack Obama à William Ayers, ce professeur de l'Université de l'Illinois à Chicago qui a appartenu au groupe radical Weather Undergroud dans les années 60 et 70. Les chemins des deux hommes se sont croisés au milieu des années 90 lorsque Obama présidait une fondation de soutien scolaire, dont Ayers était cofondateur.

L'appel sur Ayers cible les électeurs d'une dizaine d'États, dont l'Ohio, la Floride et la Virginie. Voici ce que dit en partie le message enregistré : «Je vous appelle au nom de John McCain et du Parti républicain pour que vous sachiez que Barack Obama a travaillé étroitement avec le terroriste américain Bill Ayers, dont l'organisation a bombardé le Capitole, le Pentagone et la résidence d'un juge, et tué des Américains.»

La stratégie du camp McCain ne fait pas l'unanimité chez les républicains. Susan Collins, sénatrice du Maine, un des États ciblés par la campagne, a notamment demandé à son collègue de l'Arizona de mettre un terme aux appels enregistrés sur William Ayers. «Ce genre de tactique n'a pas sa place dans le Maine», a-t-elle déclaré par la voix d'une porte-parole.

«McCain a changé»

Mais John McCain ne donne aucune indication de vouloir renoncer à cette campagne conçue par les disciples de Karl Rove. Est-ce à dire qu'il a abandonné ses principes et ses valeurs dans sa quête de la Maison-Blanche? Certains chroniqueurs et commentateurs, qui ont admiré John McCain, répondent par l'affirmative.

«John McCain a changé», a écrit cette semaine Christopher Buckley, fils de William F. Buckley, fondateur de la revue conservatrice National Review. «La campagne a changé John McCain. Elle l'a rendu inauthentique.»

D'autres se demandent si cette campagne n'est pas en train de révéler la vraie nature de John McCain. L'homme est certes capable d'aller à contre-courant de son parti, comme il l'a fait dans les dossiers de l'immigration, du forage en mer et des réductions d'impôts. Mais il peut tout aussi bien renoncer à ces mêmes positions s'il le juge opportun sur le plan politique.

Dans cette optique, sa décision de choisir Sarah Palin comme colistière ne représenterait pas seulement une illustration de cet opportunisme, mais également d'une témérité inquiétante de la part d'un homme de 72 ans.

«La conduite récente de la campagne de McCain - son empressement à mentir (y compris dans son discours d'acceptation de l'investiture) et à jouer à la roulette russe avec la vice-présidence - m'a renforcée dans l'opinion qu'il n'est pas un homme de principes», a écrit récemment Elizabeth Drew, auteure d'un livre élogieux sur le candidat républicain en 2002 intitulé Citizen McCain.

«En fait, on ne sait pas bien qui il est», a-t-elle ajouté.