C'était le texte de loi le plus important sur lequel les parlementaires américains étaient appelés à se prononcer depuis celui qui avait autorisé l'usage de la force contre le régime de Saddam Hussein en octobre 2002.

Pour expliquer les enjeux de ce vote historique, George W. Bush s'était à nouveau adressé à la nation américaine en matinée, sa troisième allocution du genre en moins d'une semaine. Il avait également téléphoné à plusieurs élus républicains afin de les convaincre d'appuyer le plan de sauvetage du secteur bancaire réclamé par son administration.

 

«Je comprends parfaitement que cela sera un vote difficile», avait déclaré le président américain dans une déclaration à la Maison-Blanche. Mais, avait-il ajouté, le plan de sauvetage «évitera que la crise du secteur bancaire ne se propage à toute notre économie».

Quelques heures plus tard, la Chambre des représentants lui infligeait la défaite la plus retentissante de sa présidence en refusant de dégager 700 milliards de dollars pour secourir l'industrie financière. Jamais George W. Bush n'avait paru aussi impuissant dans son rôle de président des États-Unis.

Il n'est certes pas le premier chef de la Maison-Blanche à perdre de son influence à la fin de son deuxième et dernier mandat. Les Américains utilisent d'ailleurs l'expression «lame duck» (canard boiteux) pour décrire cette perte d'autorité présidentielle. Il faudrait peut-être l'amender et parler de «dead duck» (canard mort) à propos du 43e président, dont les coups de téléphone aux membres de son propre parti ont été autant de coups d'épée dans l'eau.

Au lendemain de la rebuffade de la Chambre, les États-Unis ne se retrouvent donc pas seulement face à une crise financière. Ils sont également aux prises avec une crise de leadership. Le plan de sauvetage du secteur bancaire était non seulement défendu par le président, mais également par le secrétaire au Trésor, le président de la Réserve fédérale, les chefs de file démocrates et républicains du Congrès, ainsi que par les deux principaux candidats à la Maison-Blanche.

Et pourtant, 133 des 198 républicains de la Chambre et 95 des 235 démocrates ont voté contre ce plan de sauvetage dont on disait que son passage était crucial au rétablissement de la santé financière du pays.

Après le rejet du projet de loi, les chefs de file de la minorité républicaine de la Chambre ont accusé la présidente de cette assemblée, la démocrate Nancy Pelosi, d'avoir empoisonné l'atmosphère en prononçant un discours jugé partisan avant la tenue du vote. Ce à quoi le démocrate Barney Frank, président de la commission de la Chambre sur les affaires bancaires, a répondu sur un ton sarcastique: «Parce que quelqu'un leur a fait de la peine, ils sont prêts à punir le pays».

En vérité, plusieurs élus républicains et démocrates ont défié les chefs de file de leurs partis parce que le plan de sauvetage est très impopulaire parmi les électeurs de leurs circonscriptions.

John McCain a fait allusion à cette réalité hier en Iowa, où il a exprimé son souhait de «ramener tout le monde à la table des négociations». Le sénateur de l'Arizona, qui avait suspendu sa campagne la semaine dernière pour se consacrer à la crise financière, aura lui aussi perdu des plumes dans cette affaire. À la veille du vote de la Chambre, son entourage vantait l'efficacité de son intervention auprès des parlementaires de son parti.

Hier après-midi, le sénateur McCain et son camp devaient se résoudre à blâmer «Barack Obama et ses alliés démocrates» pour le rejet du plan de sauvetage. De son côté, le candidat démocrate à la Maison-Blanche a lancé un appel au calme et à un retour à la table des négociations.

Mais la question demeure entière: y a-t-il encore un leader dans ce pays?