Diya Al-Dean Hamad, 11 ans, est cloué à son lit d'hôpital. Il ne parle pas. La moitié de son visage est brûlé, tout comme le reste de son corps. En 2006, deux missiles sont tombés simultanément sur sa maison, dans le gouvernorat d'al-Ambar, dans le sud de l'Irak. Depuis, son père, Moksen Hamad, a parcouru l'Irak et la Syrie pour trouver des soins appropriés. En septembre, ils se sont rendus à l'hôpital du Croissant-Rouge d'Amman, où Médecins sans frontières (MSF) traite des patients qui viennent des quatre coins de l'Irak pour des chirurgies maxillo-faciales, orthopédiques et plastiques. En 2004, MSF a quitté le bourbier irakien puisqu'il était devenu impossible d'y travailler. Depuis le début du projet en 2006, 556 patients irakiens ont été accueillis à l'hôpital du Croissant-Rouge, à plus de 800 kilomètres de Bagdad. «À Amman, on peut opérer tranquillement, explique le chef de mission, Olivier Maizoué. De plus, le pays est le plus neutre parmi les voisins de l'Irak et il bénéficie de standards médicaux assez élevés.» Hafar accompagne sa fille de 10 ans. Son visage a été brûlé dans l'explosion d'une voiture piégée à Bagdad. «Nous étions en route pour un mariage, dit-elle. J'ai perdu mon mari et mon fils.

Deux de mes filles, quatre neveux et une nièce ont été blessés.» Malgré le drame, la femme coiffée d'un voile noir continue de sourire. Elle devra pourtant regagner l'Irak dans un mois lorsque la chirurgie de sa fille sera terminée. «L'Irak vit encore au rythme des explosions, dit Hajar, la gorgenouée. Je ne crois pas que la situation va bientôt s'améliorer. Je suis vraiment inquiète pour la sécurité de ma famille. Mais je dois retourner à la maison pour m'occuper d'elle.»

Exode des médecins

Depuis le début de l'invasion américaine en Irak, des dizaines de médecins ont quitté le pays. Dr Nagham M. Hussein, médecin résident irakienne à l'hôpital du Croissant rouge, avait peur de continuer de travailler en Irak. Elle a trouvé refuge en Jordanie en 2006. «C'était un désastre! s'exclamet-elle. Nous vivions dans la peur constante d'être kidnappés. Nous manquions de médicaments. Une explosion peut faire 700 blessés. Les patients couchaient sur le sol des hôpitaux.» Au mois d'août, le ministère de la Santé irakien a demandé à tous les médecins en exil de revenir au pays. Il y a présentement une sérieuse pénurie de spécialistes. Le docteur Rachid Al-Samara'ai est chirurgien orthopédiste. Il rêve au jour où l'Irak sera assez sûr pour y pratiquer son métier. Toutefois, il ne croit pas revenir chez lui cette année. «Je traite les blessés, peu importent leurs allégeances,dit-il.Lorsque j'étais en Irak, les Américains venaient à l'hôpital et ils arrêtaient des patients et des médecins. Ils ont même attaqué l'hôpital de Fallujah où je travaillais. L'occupation a détruit ma profession.»