Après six jours d'une crise aérienne sans précédent, on a assisté mardi à un début de reprise dans les aéroports européens. Mais une reprise partielle, chaotique et fragile. Un trafic à peu près normal dans les pays du sud de l'Europe : Espagne, Italie ou Grèce. Paralysie presque totale dans les pays scandinaves, en Allemagne et en Grande-Bretagne, où la décision de rouvrir l'espace aérien a été annulée au cours de la journée.

De son côté, la France était une fois de plus coupée en deux : les aéroports de Nice, Marseille, Toulouse et Bordeaux sont restés ouverts et, dans la mesure du possible, ont accueilli des avions long-courrier rapatriant une partie des 150 000 touristes français bloqués à l'étranger depuis le début de la crise, jeudi dernier.

«Les deux tiers de ces compatriotes devraient être rentrés en France mardi soir à minuit, a déclaré le ministre des Transports et de l'Écologie, Jean-Louis Borloo. Mercredi, le rapatriement devrait être complété.» Au cours de la journée de mardi, on a même vu un gros porteur d'Air France en provenance de New York atterir à Roissy. Mais c'était l'une de ces petites exceptions au milieu d'un festival d'annulations : «Les responsables de Roissy nous déconseillent de venir en personne à l'aéroport, explique un voyageur chanceux, mais en fait, c'est la seule façon d'avoir une chance de trouver une place : les premiers arrivés sont les premiers servis, et c'est la loterie totale pour savoir quel vol partira.» Selon Le Monde, il y a eu depuis le 15 avril pas moins de 63 000 vols annulés et 6,8 millions de passagers concernés.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que la riposte européenne à cette «crise du nuage islandais» s'est faite dans le désordre, l'improvisation et, de l'avis des grandes compagnies aériennes menacées «d'asphyxie financière» par les restrictions de vol, avec une obsession exagérée du principe de précaution. Faute d'une autorité européenne supranationale en matière de trafic aérien, ce sont les responsables de l'aviation civile dans chaque pays qui prennent la décision d'ouvrir ou de fermer le trafic au vu de l'évolution du nuage, qui continue de s'étirer sur le nord de l'Europe jusqu'à la Pologne. L'aéroport Heathrow de Londres, qui devait rouvrir mardi matin, est resté totalement fermé. «Au moins» jusqu'à mercredi matin. Comme le nuage se situe à une hauteur de 6000 à 10 000 mètres, on envisageait la possibilité d'ouvrir des corridors sécurisés à 5000 mètres.

En France, on bricole des solutions d'urgence. Certains vols long-courrier vers l'Amérique ou l'Asie décollent de Nice ou de Toulouse. La trajectoire pour New York a été modifiée pour éviter la Grande-Bretagne et passer plus au sud, ce qui rajoute une heure et demie de vol. Bloquée en Inde où elle effectuait une visite politique, la patronne du Parti socialiste, Martine Aubry, envisageait de rentrer par Madrid et de faire le trajet jusqu'à Paris en voiture.

En France, la priorité absolue est le rétablissement des long-courriers, qui devaient tous être assurés mercredi, en passant au besoin par les aéroports du Sud. On annonçait environ 60% des moyen-courriers à destination d'autres pays européens, à l'exclusion des pays du Nord. Mais les lignes intérieures, très actives en temps normal, restent paralysées, et on est très loin d'un retour à la normale. Les responsables de l'aviation civile tablent sur un rétablissement de la situation à partir de demain. Mais continuent à scruter le nuage capricieux venu d'Islande.

À Paris, on aurait pu penser que les milliers de visiteurs coincés dans la capitale depuis jeudi se seraient rués sur les hôtels. Vérification faite, ce mouvement de foule est passé presque inaperçu. Trois grands hôtels consultés ont fait savoir, à 22h, qu'ils avaient encore des chambres disponibles, au tarif habituel bien entendu. «Il y a moins de monde que pour n'importe quel grand salon du prêt-à-porter», a plaisanté un responsable des réservations dans un hôtel proche des Champs-Élysées.