Incapacité d'agir dans l'urgence, défaillances organisationnelles, action tardive, financement insuffisant, nécessité de changements fondamentaux... L'Organisation mondiale de la santé est sévèrement critiquée pour sa réponse à l'épidémie du virus Ebola qui frappe l'Afrique de l'Ouest. Cinq choses à savoir du rapport interne dévoilé hier.

RETARD DÉVASTATEUR

Si c'est en décembre 2013 que les premiers cas d'Ebola sont apparus en Guinée, ce n'est qu'en août 2014 que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré une «urgence de santé publique mondiale» alors que plus de 1000 personnes avaient déjà succombé à la maladie. Cette réaction tardive a contribué à la propagation de l'épidémie à la Sierra Leone et au Liberia voisins, estime le rapport d'un panel d'experts mandatés par l'OMS. L'organisation n'a pas écouté les signaux d'alarme lancés par son propre personnel sur le terrain, n'a pas su prendre des décisions rapides et n'a pas été proactive, estime le groupe présidé par l'ancienne directrice d'Oxfam au Royaume-Uni Barbara Stocking.

REHAUSSER LE FINANCEMENT

Au-delà des «changements fondamentaux» nécessaires pour corriger les «défaillances organisationnelles» de l'organisation, le rapport suggère d'augmenter de 5% les contributions des 194 États membres, actuellement gelées, et de créer un fonds d'urgence de 127 millions de dollars. L'organisation Médecins sans frontières, qui a été parmi les premières à tirer la sonnette d'alarme l'an dernier et qui a été entendue par le groupe d'experts, voit dans ce rapport «un pas dans la bonne direction», a indiqué à La Presse sa présidente internationale, la Québécoise Joanne Liu. Celle-ci appelle cependant l'OMS à «prendre les leçons apprises puis à les utiliser pour mettre un terme à cette épidémie-là».

PASSER DE LA PAROLE AUX ACTES

L'OMS doit «rétablir sa prééminence comme gardien de la santé publique mondiale», estiment les experts, mais le succès des mesures proposées va se vérifier dans leur mise en oeuvre, prévient Joanne Liu. Le rapport souligne d'ailleurs que si les recommandations contenues dans le rapport qui avait suivi la pandémie de grippe H1N1, en 2009, avaient été suivies, «la communauté internationale aurait été en bien meilleure position pour faire face à la crise Ebola». La suggestion de créer un niveau d'alerte intermédiaire qui permettrait d'intervenir dans une crise sanitaire avant qu'elle ne devienne une urgence mondiale plaît notamment à Mme Liu, «parce que s'il faut attendre que ce soit la catastrophe pour réagir, on n'évitera jamais la catastrophe».

IMPLIQUER LES COMMUNAUTÉS

Le rapport insiste par ailleurs sur l'importance d'impliquer davantage les communautés locales dans la gestion d'une crise sanitaire, afin de mieux faire passer les messages de prévention et mettre la population en confiance. «Parce que plusieurs communautés étaient dans une situation post-conflit, elles avaient un haut niveau de méfiance envers les autorités», souligne le rapport, ce qui explique, par exemple, la réticence de certains malades à révéler avec qui ils avaient été en contact. La nécessité de modifier certaines traditions ancestrales qui représentent un risque élevé de contamination, comme les rites funèbres, se trouve grandement facilitée par la participation des acteurs locaux.

CHERCHER L'EXPERTISE

Le groupe d'experts relève que l'épidémie d'Ebola a nécessité une intervention à la fois sanitaire et humanitaire, mettant ainsi en lumière le besoin de mieux intégrer ces deux systèmes d'aide. Pour ce faire, il propose la mise sur pied par l'OMS d'un centre de préparation et de réponse destiné aux urgences sanitaires. L'idée n'emballe pas Joanne Liu, qui se demande où l'OMS prendra l'expertise dont le rapport lui reproche justement de manquer. «C'est comme si on bâtissait une urgence à Montréal sans mettre d'urgentologue dedans!», s'exclame-t-elle. Le rapport suggère de conclure des ententes avec d'autres agences des Nations unies, par exemple avec le Programme alimentaire mondial pour l'approvisionnement et le transport. «J'attends de voir», conclut Mme Liu.