Il faudra au moins quatre mois pour juguler l'épidémie d'Ebola et cela même si toutes les mesures nécessaires sont prises, a déclaré mercredi le directeur général de la Croix-Rouge, qui a prévenu que «l'inaction» coûterait cher.

S'exprimant lors d'un colloque à Pékin, le Sénégalais Elhadj As Sy a dressé une liste des actions qui doivent permettre de faire reculer la fièvre hémorragique, parmi lesquelles des «quarantaines correctement effectuées, des bonnes prises en charge des cas confirmés, des obsèques adaptées, sûres et dignes pour les personnes décédées».

Si tout cela est fait, «il sera possible, comme cela le fut dans le passé, de juguler cette épidémie en quatre à six mois», a-t-il affirmé.

Pour tenir cet objectif, «nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour mobiliser nos ressources et nos capacités», a poursuivi Elhadj As Sy, qui a pris les rênes, l'été dernier, de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, dont le siège est à Genève.

Mais «il y a toujours un prix à payer pour l'inaction», a-t-il averti.

L'Ebola se déplace vers l'intérieur des pays touchés

Le virus Ebola continue de frapper sans relâche en Afrique de l'Ouest, où il se déplace géographiquement à l'intérieur des pays touchés, tandis que les risques de propagation en dehors de cette région paraissaient mercredi refluer.

Les efforts pour élaborer un vaccin progressaient, avec l'arrivée en Suisse de premiers lots de vaccins expérimentaux pour être testés par l'Organisation mondiale de la Santé. Mais ils ne devraient pas être opérationnels avant l'année prochaine.

Le groupe pharmaceutique américain Johnson & Johnson a annoncé avoir dégagé jusqu'à 200 millions de dollars pour accélérer la production d'un vaccin, prévoyant de produire plus d'un million de doses en 2015, dont 250 000 attendues d'ici à mai pour des essais cliniques.

En Sierra Leone, où la grande majorité des nouveaux cas étaient désormais signalés dans l'ouest, comprenant la capitale, Freetown, des heurts dans l'est du pays, épicentre originel de l'épidémie, ont fait deux morts et une dizaine de blessés, dont plusieurs parmi les forces de sécurité.

Une émeute a éclaté dans la ville minière de Koidu après qu'un groupe de jeunes s'est opposé à un prélèvement sanguin sur une femme de 90 ans, mère d'un de leurs chefs, considérée par les autorités sanitaires comme un cas suspect d'Ebola.

Le Programme alimentaire mondial (PAM), qui poursuivait ses distributions massives de nourriture, y compris dans la région de la capitale, a exprimé son inquiétude, soulignant que «les appels d'urgence aux centres d'alerte Ebola sont passés de 300 par jour début septembre à plus de 1400 en octobre», selon les données officielles.

Au Liberia voisin, le pays le plus touché, le nombre de cas signalés était en baisse dans la capitale Monrovia.

«Si on regarde les statistiques, il faut savoir qu'il y a beaucoup de lits vides dans les différents centres de traitement de l'Ebola à travers le pays et que le nombre alarmant d'ambulances venant emmener les malades diminue», a déclaré à l'AFP Eric Sumo, un travailleur social, voulant croire à «une baisse progressive».

L'OMS a toutefois appelé à la prudence en soulignant que les chiffres concernant les cas de fièvre Ebola dans les trois pays les plus touchés (Sierra Leone, Guinée et Liberia) sont sous-évalués.

«Mobiliser les ressources humaines»

La décrue semblait en revanche réelle dans la province de Lofa (nord), limitrophe de la Guinée, où sont apparus les premiers cas au Liberia en février.

Le responsable du centre de traitement de Médecins sans Frontières (MSF) dans la ville de Foya, le Dr Serge Saint Louis a indiqué à la présidente Ellen Johnson Sirleaf en visite sur place que la province pourrait «bientôt être déclarée débarrassée d'Ebola», après trois semaines sans nouveau cas recensé, selon un communiqué de la présidence.

Accompagnée de l'ambassadrice américaine Deborah Malac, Mme Sirleaf a remercié les personnels de santé et leur a annoncé que les primes de risque promises leur étaient maintenant versées, selon le texte, après une grève de deux jours la semaine dernière.

La présidente de la Commission de l'Union africaine (UA), Nkosazana Dlamini-Zuma était attendue cette semaine en Guinée, Sierra Leone et au Liberia, afin «que le continent mobilise en toute urgence les ressources humaines si nécessaires», a annoncé l'UA.

En Afrique, le Rwanda a étendu ses mesures de précaution aux deux pays occidentaux gagnés par le virus, exigeant que les voyageurs ayant séjourné en Espagne ou aux États-Unis les trois semaines précédant leur arrivée communiquent quotidiennement pendant 21 jours leur état de santé.

Aux États-Unis, le président Barack Obama devait recevoir mercredi Ron Klain, chargé de coordonner la lutte contre le virus, au premier jour de sa mission.

Les nouvelles des patients américains étaient néanmoins rassurantes.

Un caméraman de la chaîne NBC contaminé par au Liberia, est guéri, et une des deux infirmières infectées au Texas en soignant un malade libérien décédé dans un hôpital de Dallas, allait mieux.

En Espagne, une aide-soignante, le premier cas avéré de contamination hors d'Afrique, a été déclarée définitivement guérie.

Le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée représentent l'écrasante majorité des 9200 cas d'Ebola signalés dans sept pays. À ce jour, plus de 4500 personnes ont perdu la vie, selon le dernier bilan de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui a toutefois reconnu que ces chiffres étaient sous-évalués.

- Avec Rod Mac Johnson