L'état de santé de la première personne contaminée par le virus Ebola hors d'Afrique a donné des signes d'amélioration samedi à Madrid après un traitement expérimental, tandis que les États s'efforcent d'enrayer une épidémie «empirant chaque jour», selon l'ONU.

Teresa Romero, une aide-soignante de 44 ans, «va mieux qu'hier (...) Elle est consciente, elle parle de temps en temps quand elle est de bonne humeur», a déclaré une source hospitalière sous le couvert de l'anonymat. Son état «s'améliore, mais reste grave», a précisé cette même source.

Le comité gouvernemental chargé de la gestion de la crise a cependant indiqué de son côté qu'aucune «évolution notable» ne pouvait être signalée, ajoutant que son état de santé restait «stable», mais «grave».

La Madrilène a reçu vendredi soir une dose du médicament expérimental Zmapp. Il n'existe pas de traitements pour Ebola, mais le Zmapp, mis au point par une compagnie californienne, est l'un des médicaments expérimentaux à l'essai pour lutter contre cette fièvre hémorragique.

Première à être contaminée hors d'Afrique, apparemment en soignant un missionnaire mort fin septembre à Madrid, l'aide-soignante est à ce jour le seul cas d'Ebola confirmé en Espagne.

Elle «n'a plus de fièvre»

Le frère de l'aide-soignante a assuré samedi soir qu'elle allait «mieux» et n'avait «plus de fièvre», même si son état reste «grave».

«Elle va mieux, elle n'a plus de fièvre, il semble que tout en restant gravement (malade) elle aille mieux et qu'elle aille de l'avant. C'est grave mais stable, cela donne de l'espoir», a déclaré Jose-Ramon Romero à La Sexta, une chaîne de télévision privée.

«Il semble qu'elle était ces jours-ci dans la phase critique, pendant les quatre jours qui suivent l'infection», a précisé le frère de cette aide-soignante hospitalisée depuis le lundi 6 octobre et qui aurait été contaminée au chevet d'un missionnaire espagnol malade rapatrié en septembre et décédé le 25.

Jose-Ramon Romero a précisé qu'il avait surtout accepté de participer à l'émission pour «défendre» sa soeur Teresa, alors que lorsque sa contamination avait été révélée, la ministre de la Santé Ana Mato ou le responsable régional de la Santé avaient laissé entendre qu'elle pouvait être liée à une «erreur humaine» de sa part.

Javier Rodriguez, le patron de la Santé à Madrid, est allé jusqu'à suggérer que cette femme de 44 ans, qui avait été volontaire pour participer aux soins de deux missionnaires atteints par Ebola, avait menti dans ses explications sur la manière dont elle avait pu être infectée.

L'attaque a déclenché la colère des employés du secteur de la Santé en Espagne, déjà amers après les coupes claires dans les budgets publics qui ont conduit nombre d'entre eux au chômage et qui expliqueraient selon les syndicats certaines défaillances dans les protocoles de prise en charge d'Ebola.

Si l'aide-soignante avait omis avoir participé aux soins de deux malades atteints d'Ebola lorsqu'elle avait été voir une généraliste fin septembre, elle avait aussi les jours suivants appelé l'hôpital Carlos III, établissement référent, pour signaler ses malaises, mais on lui avait dit de rester chez elle.

«Il va falloir éclaircir beaucoup de choses», a menacé son frère, en suggérant que les autorités avaient voulu «détourner l'attention» sur sa soeur pour ne pas évoquer d'autres failles.

Selon lui, Teresa Romero s'est au contraire montrée «prudente» et a même refusé de le voir quelques jours avant l'hospitalisation, par précaution, car elle se sentait mal en point. «J'ai même blagué en lui disant, "Dis, tu n'aurais pas Ebola?"», a-t-il raconté.

Quinze autres personnes, dont son mari, étaient toujours hospitalisées par précaution dans ce même hôpital madrilène Carlos III, mais aucune ne présentait de symptômes, selon un bilan officiel publié vers 14 h 30 (heure de l'Est). Une infirmière, qui restera sous surveillance jusqu'au 16 octobre, devait quitter l'hôpital après deux tests négatifs, indique-t-on de même source.

L'épidémie, partie de Guinée fin décembre 2013, avait fait 4033 morts au 8 octobre, d'après le dernier bilan de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Au total, 8399 personnes ont été contaminées dans sept pays.

«Le temps joue contre nous»

Aux Nations unies à New York, le chef de la mission de l'ONU pour la lutte contre Ebola (UNMEER), créée il y a deux semaines, a souligné l'urgence de la situation.

«Le temps joue contre nous. Le virus est plus rapide que nous et la situation empire de jour en jour», a déclaré vendredi Anthony Banbury. «Il est encore temps de nous battre et de gagner la bataille», a-t-il cependant estimé, insistant sur la prévention et la préparation dans les pays pas encore touchés.

En Europe comme sur le continent américain, les Etats annoncent les uns après les autres un renforcement des contrôles pour les voyageurs provenant des pays les plus touchés par l'épidémie : Guinée, Liberia et Sierra Leone.

Aux États-Unis, les contrôles ont commencé samedi à l'aéroport J.F. Kennedy de New York et le Canada a même conseillé à ses ressortissants de quitter ces pays, «tant que des vols commerciaux sont encore disponibles».

Le Royaume-Uni organisait samedi un exercice de grande ampleur, impliquant des centaines de personnes, y compris des ministres, pour tester sa capacité à faire face à l'apparition de cas d'Ebola sur son territoire.

L'inquiétude a gagné l'Amérique latine où, après d'autres pays, le Pérou et l'Uruguay ont annoncé une plus grande vigilance dans les ports et les aéroports. Le Mexique et le Nicaragua veulent aussi tenter de contrôler davantage les migrants, y compris ceux qui essaient par milliers de gagner les États-Unis.

Le monde du sport est également affecté. Le gouvernement marocain a demandé vendredi le report de la Coupe d'Afrique des nations de football (CAN-2015), prévue du 17 janvier au 8 février au Maroc, en raison de l'épidémie. Mais la Confédération africaine de football (CAF) a annoncé samedi qu'elle maintenait les dates de la compétition.

Le virus Ebola produit les mêmes effets qu'un «embargo économique» sur les pays touchés par l'épidémie en les isolant du reste du monde et en grippant l'activité, a déploré samedi le ministre sierra-léonais des Finances Kaifala Marah.

Fausses alertes et rumeurs

Quelques notes d'espoir ont émaillé samedi la chronique de cette épidémie concernant peu à peu le monde entier : à Moscou, la ministre de la Santé Veronika Skvortsova a assuré que la Russie avait mis au point trois vaccins qui pourraient être prêts «dans les six mois».

Des essais cliniques d'un vaccin, en phase de test aux États-Unis et en Grande-Bretagne, ont récemment débuté au Mali, a indiqué à l'AFP le ministre de la Santé de ce pays, Ousmane Koné.

Dans plusieurs pays, les autorités ont encore lancé des mises en garde contre les canulars qui pourraient provoquer la panique, comme celui d'un passager débarqué par une équipe médicale d'un avion effectuant un vol intérieur aux États-Unis, qui avait éternué et crié : «J'ai l'Ebola. Vous êtes tous foutus».

Critiqué pour sa gestion de la crise, le gouvernement espagnol a, quant à lui, réuni pour la deuxième fois un comité spécial interministériel consacré à Ebola.

Dans la soirée, à Madrid, plusieurs centaines d'employés du secteur de la santé, qui attribuent les failles concernant la prise en charge d'Ebola à des restrictions budgétaires draconiennes, ont tenu à manifester contre ces coupes claires.