Les autorités sanitaires espagnoles mènent une course contre la montre pour identifier les contacts de la première personne ayant contracté le virus Ebola hors d'Afrique, une aide-soignante habitant Madrid, et sont priées de répondre aux questions de l'Europe inquiète.

Outre l'aide-soignante malade, quatre personnes étaient hospitalisées mardi par précaution à l'hôpital Carlos III: son mari, deux infirmières et un ingénieur. Une des infirmières et l'ingénieur, dont les premiers tests étaient négatifs, pourraient sortir dès mercredi. L'autre infirmière a une fièvre légère, selon le quotidien El Pais.

L'aide-soignante avait été contaminée après avoir soigné le mois dernier deux missionnaires infectés en Afrique de l'Ouest et hospitalisés dans un hôpital de Madrid où ils sont décédés.

Les autorités sanitaires ont identifié une cinquantaine de personnes potentiellement exposées. L'enquête continue pour en identifier d'autres, d'autant que la soignante a présenté des symptômes dès le 30 mais n'a été hospitalisée que lundi 6.

La Commission européenne a demandé lundi des «éclaircissements» à l'Espagne, a expliqué un de ses porte-parole, Frédéric Vincent.

«Il y a évidemment eu un problème quelque part», alors que les États membres de l'UE sont censés avoir mis en place des procédures coordonnées pour prévenir l'entrée du virus dans l'Union, a-t-il souligné.

L'exécutif européen espère que l'Espagne pourra soumettre dès mercredi de premières réponses à l'examen du Comité de sécurité sanitaire.

Des experts ont pointé des failles dans le système de prise en charge de l'Espagne.

«Si des mesures de confinement appropriées avaient été prises, cela n'aurait pas dû se produire», a estimé Jonathan Ball, professeur de virologie à l'Université britannique de Notthingham.

Colère des personnels de santé 

Parmi les collègues de l'aide-soignante, qui se disaient victimes de «désinformation», la psychose régnait et chacun se demandait qui avait été en contact avec la malade et quand.

Ils exprimaient surtout leur colère, jugeant les protocoles sanitaires mis en place en Espagne insuffisants. Une manifestation des personnels hospitaliers est prévue mercredi soir devant l'hôpital de la Paz à Madrid pour dénoncer les défaillances de procédure et les restrictions budgétaires responsables, selon les syndicats, de la transmission d'Ebola à cette soignante.

Une étude commandée par la Commission européenne conclue que le risque d'une propagation d'Ebola en Europe à partir d'un malade évacué d'Afrique est «extrêmement faible».

L'estimation est fondée tant sur le mode de transmission de la maladie, qui suppose un contact direct avec «les cinq S» (sperme, selles, sang, sueur et salive) que sur la qualité de la prise en charge médicale et sanitaire en Europe.

Le patron de l'institut Pasteur, à Paris, s'est voulu rassurant : «Le fait qu'il y ait eu deux ou trois personnes au contact de personnes malades en Espagne ne veut absolument pas dire que l'on va avoir une diffusion dans toute l'Europe et dans le monde entier», a déclaré le Pr Christian Bréchot.

Partout en Europe les Bourses ont cependant accusé le coup, avec une chute en particulier des valeurs du transport aérien (notamment Lufthansa -5,26%) et du tourisme, l'un des piliers de l'économie espagnole (11% PIB).

La fièvre hémorragique Ebola a fait 3.439 morts en Afrique de l'Ouest sur 7.478 cas enregistrés dans cinq pays (Sierra Leone, Guinée, Liberia, Nigeria, Sénégal), selon un bilan de l'OMS arrêté au 1er octobre.

Malgré cela, l'Afrique subsaharienne va conserver une croissance «robuste» de 5,1% en moyenne cette année et 5,8% en 2015, a estimé le Fonds monétaire international (FMI) mardi, non sans ajouter que l'épidémie a «fait payer un lourd tribut économique à la Guinée, au Libéria et à la Sierra Leone».

École à la télé en Sierra Leone 

En Sierra Leone, où les autorités ne tablent pas sur une réouverture des écoles avant début 2015 en raison de l'épidémie, les enfants pourront suivre des programmes d'enseignement à la radio et à la télévision.

Les cours seront retransmis à raison de quatre heures par jour, six jours sur sept, par 41 radios et l'unique chaîne de télévision nationale, a annoncé le gouvernement.

L'Union européenne a annoncé une opération aérienne pour acheminer de l'aide aux pays touchés. Le nombre de militaires britanniques présents en Sierra Leone devrait passer la semaine prochaine d'une quarantaine à une centaine pour aider à combattre le fléau.

Les soldats américains déployés en Afrique de l'Ouest dans le même but pourraient y rester jusqu'à un an, en fonction de la rapidité avec laquelle le virus pourra être contenu, selon un haut responsable américain.

Les États-Unis doivent par ailleurs annoncer dans les prochains jours de nouvelles mesures de contrôle des passagers internationaux pour limiter le risque que des personnes infectées puissent entrer sur le sol américain.

Des voix s'étaient notamment élevées au Congrès pour renforcer ces contrôles après l'identification au Texas du premier cas d'Ebola diagnostiqué hors d'Afrique, un Libérien arrivé du Liberia le 20 septembre sans symptôme.

L'état de ce patient, soigné avec un traitement expérimental, s'est légèrement amélioré mais restait très grave mardi, a indiqué l'hôpital où il est traité.