Les centaines de doses de vaccin expérimental offertes par le Canada pour lutter contre l'épidémie d'Ebola attendent toujours au Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg, une semaine après avoir été promises à l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Dans l'intervalle, le chaos s'est accentué sur le terrain et l'épidémie a continué de prendre de l'ampleur, avec tout près de 500 nouveaux cas.

«Livrer le vaccin de façon sécuritaire est compliqué, a expliqué à La Presse un porte-parole du ministère fédéral de la Santé. Il doit être entreposé et expédié adéquatement à l'OMS et aux pays touchés, puisqu'il doit être conservé à très basse température pour rester efficace.»

En 2009, le laboratoire de Winnipeg avait mis seulement 40 heures pour expédier le même vaccin de l'autre côté de l'Atlantique; il a ainsi sauvé une chercheuse allemande qui s'était accidentellement infectée avec une aiguille.

Médecins sans frontières vient par ailleurs de recevoir 10 doses de vaccin à Genève, selon La Presse Canadienne.

La distribution des 800 à 1000 doses offertes par Ottawa est apparemment un tout autre défi. Même en donnant la priorité aux travailleurs de la santé - puisqu'ils risquent leur vie pour sauver celle des autres -, on en manquerait. Et en produire de nouvelles prendrait de deux à trois mois.

Le ministère de la Santé affirme qu'il compte sur l'OMS, ses partenaires et les pays touchés pour prendre les décisions qui s'imposent.

Par précaution, le Canada a décidé de conserver de 500 à 700 doses de vaccin au pays. Certaines seront mises de côté pour protéger les travailleurs de la santé ou sauver des vies si jamais le virus infectait des Canadiens. Les autres permettront aux chercheurs de poursuivre leur travail, dans l'espoir de faire un jour approuver leurs découvertes.

Voici d'autres précisions au sujet de cette aide humanitaire tout à fait inusitée.

Q : Pourquoi le Canada a-t-il choisi d'envoyer en Afrique le vaccin expérimental VSV-EBOV contre l'Ebola, plutôt que le sérum expérimental ZMapp, déjà utilisé avec succès pour traiter deux travailleurs humanitaires américains?

R : Une société allemande avait déjà fabriqué 1500 doses de vaccin pour l'Agence de la santé du Canada - en prévision de nouveaux tests et essais cliniques -, alors que le laboratoire de Winnipeg possède moins d'une dose de ZMapp. Trois doses de sérum sont requises pour traiter un malade, et les réserves du fabricant sont malheureusement épuisées. Il faudrait trois ou quatre mois pour en produire une petite quantité.

Q : Qu'est-ce qui distingue les deux remèdes?

R : Contrairement au sérum, le vaccin n'est pas produit grâce à des plantes; il utilise un virus de la même famille que celui de la rage, le virus de la stomatite vésiculaire, qui se transmet de l'animal à l'humain.

Autre différence notoire: le sérum permet de soigner un malade après son exposition au virus, alors que les vaccins sont généralement conçus pour être utilisés avant que cela ne se produise. Certains, comme celui contre la rage, peuvent toutefois être utilisés après coup, parce qu'ils entrent en action si rapidement qu'ils provoquent une réponse immunitaire avant que le virus ne l'emporte.

Injecté après l'exposition au virus, le VSV-EBOV s'est révélé d'une certaine efficacité chez les animaux. Il a aussi permis de sauver 100% des singes à qui on l'a injecté 28 jours avant l'exposition.

Q : La distribution du vaccin permettra-t-elle de faire progresser la recherche, malgré le chaos qui peut régner sur le terrain?

R : «Mesurer l'efficacité et l'innocuité du vaccin sera très important, et cela fera l'objet de discussions avec nos partenaires internationaux», affirme Santé Canada. Si 1000 doses du vaccin sont utilisées, le Ministère s'attend à «acquérir une bonne compréhension de ses risques d'effets secondaires comparativement à ses bienfaits». L'objectif principal est toutefois de sauver des vies.

On ignore si les renseignements recueillis sur le terrain se révéleront suffisants pour permettre l'approbation par les autorités réglementaires. Santé Canada s'attend donc à ce que les essais cliniques requis soient menés. Habituellement, les vaccins sont testés sur les humains pendant des années avant que leur utilisation ne soit autorisée.