La justice russe a commencé lundi à rendre son verdict dans le procès de la pilote d'hélicoptère ukrainienne Nadia Savtchenko, accusée du meurtre en juin 2014 de deux journalistes russes dans l'Est séparatiste de l'Ukraine.

La lecture du verdict a été interrompue et reprendra mardi à 7 h GMT (3 h, heure de Montréal) dans un tribunal de la petite ville russe de Donetsk, près de la frontière avec l'Ukraine, après avoir commencé lundi par un moment de grande confusion.

La majorité de la presse étrangère, dont l'AFP, n'a pas été autorisée à entrer dans la salle où Nadia Savtchenko devait entendre le verdict et a été contrainte de suivre sur un circuit de télévision interne un énoncé inaudible, retransmis dans une salle voisine.

Les trois agences de presse russes (Ria Novosti, Interfax et TASS) ont alors toutes annoncé que le tribunal avait reconnu coupable de meurtre la pilote ukrainienne.

Ses avocats ont fini par préciser que le juge se contentait de lire l'acte d'accusation et qu'il ne s'agissait pas formellement de sa condamnation, dont l'annonce est attendue mardi.

Le parquet avait requis 23 ans de prison contre Nadia Savtchenko, 34 ans, devenue une égérie nationale en Ukraine.

«Soit je rentre en Ukraine, soit je meurs en prison. Ils peuvent y aller eux-mêmes en Sibérie, les salopards», a lancé la pilote, enfermée dans une cage vitrée au tribunal, comme le veut l'usage en Russie.

«J'ai le droit de tout faire, même de mourir», a-t-elle ajouté un peu plus tard, alors qu'elle remerciait en souriant ceux qui étaient venus jusqu'à Donetsk la soutenir.

Un des avocats de la jeune femme, Mark Feïguine, a assuré que celle-ci «se sent bien» et déclaré à la fin de cette première journée ne pas «pouvoir se prononcer sur la nature du verdict».

Une délégation de diplomates ukrainiens assistait à la lecture du verdict alors qu'une cinquantaine de membres des forces anti-émeute, arme au poing, surveillaient le tribunal.

Venue avec le porte-parole du président ukrainien Petro Porochenko, une députée ukrainienne a quant à elle été interdite d'entrée en Russie.

La Première dame appelle Michelle Obama à la rescousse

L'épouse du président ukrainien Petro Porochenko a appelé lundi la Première dame américaine Michelle Obama à se joindre à la campagne internationale de soutien à la pilote Savtchenko, en attente de jugement pour meurtre.

«Chère Michelle, j'espère que votre voix se joindra à la campagne internationale pour la libération de Nadia Savtchenko (...) et qu'elle donnera aussi un coup de pouce à la libération d'autres Ukrainiens» détenus par la Russie, a déclaré Marina Porochenko dans sa lettre citée par la présidence.

Mme Porochenko «a souligné que la pilote Savtchenko avait risqué sa vie aux côtés des militaires américains pour le rétablissement de la démocratie en Irak» ou elle avait servi en 2004 dans le contingent ukrainien de maintien de la paix, ajoute le communiqué.

Nadia Savtchenko rejette en bloc les accusations de la cour, assurant avoir été capturée par des rebelles prorusses en Ukraine avant que les deux journalistes russes ne soient tués, puis livrée à la Russie après leur mort.

Ses deux avocats étaient peu optimistes quant à l'issue du procès, dénonçant «une machine de propagande en action» tandis que l'Ukraine et les Occidentaux dénoncent pour leur part un procès politique.

Vers un échange de prisonniers?

Le président ukrainien a promis de faire «tout son possible» pour ramener Nadia Savtchenko chez elle, évoquant un éventuel échange de prisonniers.

Deux hommes capturés par les forces ukrainiennes et présentés par Kiev comme des agents du renseignement militaire russe sont actuellement jugés en Ukraine, et pourraient servir de monnaie d'échange.

Moscou détient de son côté entre une dizaine et une trentaine d'Ukrainiens. Le cas de plusieurs d'entre eux a été médiatisé, notamment celui du réalisateur Oleg Sentsov, arrêté en Crimée et condamné à 20 ans pour «terrorisme» et «trafic d'armes».

Emprisonnée depuis 21 mois, Nadia Savtchenko n'a pas hésité à défier ouvertement le pouvoir russe pendant sa détention et son procès.

Élue députée dans son pays pendant son incarcération, elle a fait plus de 80 jours de grève de la faim entre décembre 2014 et mars 2015. Début mars, elle a arrêté de se nourrir et de s'hydrater pendant sept jours.

«Tout ce que je peux faire est de montrer par l'exemple que la Russie, avec son régime totalitaire, peut être vaincue si vous n'avez pas peur et n'êtes pas brisé», a-t-elle déclaré au dernier jour de son procès, avant de sauter sur le banc des accusés et d'adresser un bras d'honneur à ses juges.

Pression occidentale

Les relations entre Moscou et Kiev sont quasiment gelées depuis l'annexion de la Crimée par Moscou en mars 2014, suivie d'une insurrection armée prorusse dans l'est qui a fait plus de 9000 morts.

Les accords de Minsk signés sous l'égide de Berlin et Paris et censés régler le conflit entre Kiev et les rebelles ont permis de mettre fin à la phase active des combats, mais sans avancée réelle sur le règlement politique.

L'Ukraine a proposé que l'Occident sanctionne une quarantaine de personnes «directement impliquées» dans le procès Savtchenko. Elle a souhaité que le sort de la pilote ukrainienne soit évoqué par le secrétaire d'État américain John Kerry et le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier, en visite à Moscou cette semaine.