Le processus de paix en Ukraine va se prolonger jusqu'en 2016, les dirigeants français, russe, allemand et ukrainien ayant constaté vendredi à Paris l'impossibilité de le mettre en oeuvre comme prévu cette année, laissant en suspens les sanctions contre la Russie.

À l'issue de négociations qui ont duré quatre heures et demie à l'Élysée, le président français François Hollande a annoncé le report «au-delà du calendrier de 2015» des élections locales prévues dans l'Est séparatiste selon les accords de paix de Minsk 2.

Ces accords, conclus en février, visent à mettre fin à un conflit entre rebelles prorusses et armée ukrainienne qui a fait plus de 8000 morts depuis avril 2014.

Une nouvelle loi électorale devra être adoptée pour rendre ce scrutin «incontestable», sous observation de l'OSCE, a souligné M. Hollande dans une conférence de presse conjointe avec la chancelière allemande Angela Merkel.

Un autre point clé des accords de Minsk - la reprise du contrôle par Kiev de 400 km de frontière avec la Russie, accusée d'envoyer troupes et armes dans le Donbass - va aussi prendre du retard.

«Il faudra encore du temps pour aboutir à la dernière étape (...) l'étape essentielle du point de vue du retour de l'intégrité de l'Ukraine, c'est-à-dire le contrôle total des frontières et le retrait des unités étrangères (...) ça prendra plus de temps qu'il n'était prévu, nous en avons acté le principe et finalement les modalités aujourd'hui», a souligné le chef de l'État français.

Revers pour Kiev

Le président ukrainien Petro Porochenko est resté évasif sur le report des élections lors d'un point de presse séparé à l'ambassade d'Ukraine à Paris. Jusqu'à présent, Kiev et les Occidentaux excluaient tout report dans l'application des accords de Minsk au-delà de 2015.

Il est resté en revanche intraitable sur la question des frontières. «Nous ne permettrons jamais un report (au-delà de décembre). C'est notre objectif principal», a-t-il déclaré.

Autre revers pour le président ukrainien, son hôte français a souligné l'importance de «l'amnistie» et «l'immmunité» pour tous les candidats aux élections locales, y compris les rebelles.

Kiev avait pourtant exclu, dans une loi votée en septembre 2014, toute amnistie pour les séparatistes ayant commis des crimes de sang.

Quant au scrutin séparé et controversé que les séparatistes veulent organiser selon leurs propres règles le 18 octobre à Donetsk (et le 1er novembre à Lougansk), il ne doit pas avoir lieu, a insisté le président Hollande.

Le président Vladimir Poutine a quitté le sommet sans faire de commentaire. Selon son porte-parole Dmitri Peskov, il a fait valoir à Paris qu'il «ne pouvait parler» au nom des séparatistes, mais a promis d'avoir des discussions avec eux sur la question.

Maintenir la pression sur Moscou

Les élections locales visent à réintégrer le Donbass séparatiste dans l'ensemble ukrainien. Parallèlement, le Parlement de Kiev doit voter des amendements à la Constitution prévoyant une plus large autonomie des régions rebelles, une clause très mal vue par beaucoup en Ukraine.

Les accords de Minsk 2 ont en revanche permis de déboucher sur un cessez-le-feu, depuis peu totalement respecté.

Dans ce contexte d'apaisement, les belligérants ont conclu mercredi un accord sur le retrait des armes légères (d'un calibre de moins de 100 mm), qui doit démarrer dès samedi, a annoncé M. Hollande.

Le conflit ukrainien a conduit aux pires tensions depuis la Guerre froide entre l'Occident et la Russie, visée par de lourdes sanctions occidentales pour son soutien présumé aux rebelles.

L'allègement des sanctions européennes - qui doit être examiné en décembre à Bruxelles - était subordonné à une application des accords de paix d'ici à la fin de l'année. Le report des élections à 2016 pourrait bousculer ce calendrier.

François Hollande et Angela Merkel n'ont fait aucune allusion à cette question devant la presse. Le président Porochenko a appelé pour sa part à ne pas baisser la garde face à Moscou tant que la paix n'est pas acquise en Ukraine.

«Les sanctions, c'est un instrument de pression sur la Russie pour assurer le respect des engagements qu'elle a pris (...) La Russie a encore plein de travail à faire», a-t-il dit, avertissant même qu'elles devraient être «renforcées» si les séparatistes ne renonçaient pas à leur scrutin.