L'annexion de la Crimée, puis le conflit dans l'est de l'Ukraine, ont cassé la confiance entre les Occidentaux et la Russie, mais si la confrontation est sans précédent depuis l'ère soviétique, tous les ponts ne sont pas coupés.

«Il n'y a tout simplement plus aucune confiance», constate Judy Dempsey, de l'institut Carnegie Europe, un an après le début du conflit qui a fait plus de 6.000 morts.

«Il y a chez les Russes un vrai révisionnisme des règles internationales. Cela crée un problème de confiance et la situation est finalement beaucoup plus imprévisible que pendant la Guerre froide», déplore un diplomate à l'OTAN.

L'OTAN a réagi à l'annexion de la Crimée en mars 2014 en interrompant toute coopération pratique avec la Russie. Les officiels russes sont depuis interdits d'accès à son siège à Bruxelles.

L'Alliance a renforcé ses patrouilles aériennes et maritimes dans les pays baltes et en mer Noire, et adapte ses troupes en formant des unités très réactives, capables de se déployer en quelques jours en cas de crise.

Le président russe Vladimir Poutine accuse l'OTAN d'agir dans le conflit dans l'est de l'Ukraine comme «une légion étrangère», par le biais des bataillons de volontaires qui se battent aux côtés de l'armée ukrainienne, pour «contenir la Russie».

Il a récemment reconnu que des commandos russes avaient participé à l'annexion de la Crimée, mais dément toujours les accusations des Occidentaux selon lesquelles Moscou dépêche soldats et armements pour aider les séparatistes prorusses.

En juillet 2014, après l'écrasement d'un avion d'Air Malaysia abattu par un missile au-dessus de l'est de l'Ukraine, l'Union européenne a, comme les États-Unis, sorti l'arme des sanctions économiques qui empêchent des banques et entreprises de défense et pétrolières russes de se financer en Europe.

Malgré leurs divisions entre tenants d'une ligne dure et pays plus accommodants envers la Russie, les Européens ont fait bloc. «C'est finalement assez remarquable que leur unité ait tenu», fait valoir Judy Dempsey, assurant que M. Poutine «ne s'y attendait pas».

«Le Donbass entre nous et eux»

Depuis, et malgré l'expulsion de la Russie du G8, les canaux du dialogue politique restent ouverts, mais les rares rencontres à très haut niveau tournent au dialogue de sourds.

«La Russie a proposé toutes ces années à la fois à l'OTAN et l'UE de faire quelque chose ensemble, de parler des problèmes, et la réponse était: «Non merci». La Russie a été exclue du dialogue», a récemment assuré l'influent député russe Constantin Kosetchev, invité par le German Marshall Fund à Bruxelles.

«Les Américains ont adopté une position vraiment radicale vis-à-vis de la Russie. Le «reset» de 2009 (où Obama avait appelé à une +relance+ des relations) est mort et enterré», pointe Vivien Pertusot, de l'Institut français des relations internationales (Ifri).

L'UE n'envisage aucun allègement des sanctions avant l'application pleine et entière des accords de paix signés à Minsk en février.

Mais l'Europe, où les relations économiques avec la Russie sont très importantes, plaide aussi pour la poursuite de la coopération. «Je ne renonce pas à l'idée que nous avons dépassé la Guerre froide», a récemment déclaré la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini.

«Nous sommes voisins, et la géographie, c'est comme la famille, on ne peut pas en changer», a souligné Mme Mogherini, rappelant que l'UE était «le premier partenaire commercial et investisseur de la Russie». Elle a aussi cité une «coopération fructueuse» sur les négociations nucléaires avec l'Iran, et rappelé que l'UE intercédait dans la dispute gazière entre Kiev et Moscou.

Cette attitude réaliste est aussi celle de l'Allemagne, juge M. Pertusot. «Il y a un vrai agacement d'Angela Merkel vis-à-vis de Vladimir Poutine, qui fait que la relation est très tendue. Mais hors sanctions, les échanges économiques allemands avec la Russie n'ont pas foncièrement baissé», observe-t-il.

Un «dégel» n'interviendra que «si Poutine décide d'arrêter les frais et fait des ouvertures», avertit cependant un diplomate européen. Car «il y aura toujours le Donbass, ce conflit gelé, entre nous et eux».