Le président russe Vladimir Poutine a décoré plusieurs unités militaires d'un prestigieux titre, jadis décerné aux troupes ayant fait preuve d'héroïsme pendant la Seconde Guerre mondiale, un geste perçu par certains experts comme la reconnaissance tacite de l'ingérence de l'armée russe en Ukraine.

M. Poutine a octroyé mercredi le titre honorifique «de La Garde» à deux brigades de parachutistes et à un régiment des communications.

Sous le régime stalinien, la désignation «de La Garde» était en effet décernée aux troupes soviétiques qui s'étaient illustrées par un courage exceptionnel au combat. Après la dissolution de l'URSS, cette tradition a été perpétuée au sein des forces armées russes.

Ce titre honorifique n'est pas accordé à des unités militaires en temps de paix.

Or selon le décret signé par le président russe, les 11e et 83e brigades de parachutistes et le 38e régiment des communications ont été décorés pour «héroïsme et bravoure lors d'hostilités armées pour défendre la Patrie et les intérêts de l'État».

Cette formulation a semblé curieuse à de nombreux observateurs puisque la Russie n'est officiellement impliquée dans aucun conflit armé.

Si le ministère russe de la Défense a refusé de commenter, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a lui expliqué que ces titres n'avaient rien à voir avec le conflit en Ukraine, mais avaient été décernés pour des opérations antérieures.

«Ces unités ont pris part à diverses opérations à l'époque soviétique», a-t-il déclaré à l'AFP, ajoutant qu'une partie des troupes décorées avaient également servi dans le Caucase lors des guerres de Tchétchénie.

«Tout le monde comprenait»

L'expert militaire Igor Soutiaguine avance pour sa part que les trois unités ont combattu dans l'est de l'Ukraine, et que ces prestigieuses décorations sont destinées à rehausser le moral des forces aéroportées russes.

«Les deux brigades de parachutistes ont eu des pertes, et pas des légères» lors de combats contre l'armée ukrainienne, affirme l'analyste du Royal United Services Institute (RUSI), un centre de réflexion britannique.

Dans un récent rapport, M. Soutiaguine assure que la 11e brigade, qui est basée à Oulan-Oude en Sibérie, est l'une des unités de l'armée russe qui a combattu contre les forces ukrainiennes dans le Donbass en février.

Selon lui, la 83e brigade de parachutistes basée à Oussouriisk dans l'Extrême Orient russe a, elle, pris part aux combats en Ukraine «peu avant février».

L'analyste politique Alexandre Konovalov juge de son côté que Vladimir Poutine cherche, grâce à ces décorations prestigieuses, à maintenir sa popularité au sein de l'armée.

«Ils savent ainsi que leur Patrie ne les oublie pas», assure le directeur de l'Institut d'analyses stratégiques.

Kiev et les Occidentaux accusent Moscou non seulement d'envoyer armes et combattants aux rebelles pro-russes de l'est de l'Ukraine, mais également d'y avoir déployé des troupes régulières, ce que la Russie dément catégoriquement.

Moscou reconnaît toutefois la présence en Ukraine de «volontaires» russes partis à leur initiative combattre aux côtés des rebelles. Mais dans les médias russes ou internationaux, des familles ayant enterré leurs fils ou maris, militaires, ont affirmé à plusieurs reprises que ceux-ci avaient été tués en Ukraine.

Le journal d'opposition russe Novaïa Gazeta a publié en mars une interview de Dorji Batomounkouïev, un jeune soldat de 20 ans qui affirme avoir été déployé en Ukraine avec son unité de tankistes d'Oulan-Oude, et avoir été grièvement brûlé en février après des affrontements avec l'armée ukrainienne.

«Avant nous, il y avait des gars des opérations spéciales de Khabarovsk, de diverses villes, mais seulement de l'est», affirme le soldat, assurant que les unités russes en Ukraine se succèdent en permanence. «Une par une, vous comprenez? Tous les jours.»