Vendredi, à Kiev, le gouvernement ukrainien soulignait le massacre, il y a un an, des manifestants de Maïdan. Pendant ce temps, dans l'est du pays, les combats continuaient malgré un cessez-le-feu entré en vigueur il y a près d'une semaine. Où en est l'Ukraine? Survol de la question en quatre questions et réponses.

Q: Le 21 février 2014, après plus de trois mois de manifestations sur la place de l'Indépendance et une répression sanglante, le président ukrainien de l'époque, Viktor Ianoukovitch, s'entendait avec son opposition pour mettre fin à la crise. Un an plus tard, quel est le bilan?

R: «Ianoukovitch a fui. Le régime est tombé. Un soulèvement populaire a eu raison d'un régime corrompu: c'est tout un gain. Ça a mené à des élections qui ont mis au pouvoir le gouvernement le plus réformiste de l'histoire ukrainienne. Au printemps, l'entente de libre-échange avec l'Europe, qui était à l'origine de la crise a, été signée», énumère Dominique Arel, expert de l'Ukraine à l'Université d'Ottawa, en citant les victoires du mouvement de contestation. Les pavés sont nombreux, cependant. L'économie ukrainienne est en chute libre. La monnaie du pays, l'hryvnia, a perdu près 50 % de sa valeur. La Crimée a été annexée par la Russie et la guerre, qui fait rage dans l'est du pays, a fait plus 5600 morts et des centaines de milliers de déplacés. «Il ne faut pas oublier cependant que la guerre concerne le tiers de deux oblasts [régions] ukrainiens sur 25», note l'expert.

Q: La semaine passée, après un marathon de négociations à Minsk, un cessez-le-feu dans l'est de l'Ukraine a été annoncé. Qu'en est-il, sept jours plus tard?

R: La semaine n'a pas été de tout repos. Si, dans l'ensemble de l'est de l'Ukraine, on a vu moins d'affrontements, les combats ont été très intenses autour de la ville de Debaltseve, une plaque tournante ferroviaire de 25 000 habitants, qui se trouve entre les deux grandes villes que contrôlent les rebelles, Donetsk et Lougansk. Mercredi, les forces ukrainiennes se sont retirées de la ville. Depuis, les rebelles prorusses célèbrent leur victoire dans une ville en morceaux et largement désertée par sa population civile, selon les journalistes de l'AFP sur place. Selon Yann Breault, spécialiste de l'ex-Union soviétique à l'Université du Québec à Montréal, l'entente de Minsk conclue entre Vladimir Poutine, François Hollande, Angela Merkel et Petro Poroshenko n'avait pas réussi à définir le statut de Debaltseve. «Ç'a été le principal point de discorde. Les Russes affirmaient que la ligne du cessez-le-feu était au nord de Debaltseve, alors que les Ukrainiens disaient que ce n'était pas le cas», dit Yann Breault.

Q: Quel est l'impact de la perte de Debaltseve pour les autorités ukrainiennes?

R: Joint par courriel, le politologue Sergiy Kudelia explique que la perte est à la fois symbolique et politique. «Symboliquement, cela démontre qu'un an après le soulèvement de Maïdan, l'Ukraine est toujours sur la défensive et est incapable d'assurer la protection de ses positions. Politiquement, le retrait des troupes expose la désorganisation de la structure de commandement ukrainien. Ça montre aussi le peu d'égards qu'a l'État-major ukrainien pour ses soldats sur le terrain», tranche le professeur de l'Université Baylor. L'armée ukrainienne a affirmé avoir perdu 13 soldats avant son retrait, mais a aussi avoué être sans nouvelles de 31 autres. Plus de 110 hommes ont aussi été faits prisonniers.

Q: L'accord de Minsk peut-il tenir le coup même si le cessez-le-feu est peu respecté?

R: Selon les experts, les prochains jours seront déterminants. Les yeux sont maintenant tournés vers Marioupol, la ville qui est située sur les côtes de la mer d'Azov et qui a été le théâtre d'affrontements, récemment. La prise de cette ville permettrait aux forces prorusses d'établir un lien maritime avec la Crimée. Au cours des derniers jours, des villages près de Marioupol ont été pris d'assaut par les rebelles. Si l'accord de Minsk était flou sur le statut de Debaltseve, il ne l'est pas sur Marioupol, qui est sous le contrôle du gouvernement central ukrainien. Une violation de ces termes signifierait la mort du récent accord de Minsk, croient tous les spécialistes interrogés. Selon Sergiy Kudelia, pour que l'accord de Minsk survive, les leaders russe, ukrainien et européens doivent maintenant négocier une entente politique et doivent s'entendre sur le retrait de l'artillerie lourde de la ligne de contact. Une rencontre entre les chefs de la diplomatie russe, ukrainienne, française et allemande doit avoir lieu mardi à Paris.

- Avec l'Agence France-Presse, Associated Press, la BBC et Le Monde