Les Occidentaux ont demandé samedi au président russe Vladimir Poutine des «actes» pour amener la paix en Ukraine, pressant aussi Kiev d'accepter «les décisions nécessaires», alors que la situation menace de nouveau de s'embraser dans l'est du pays.

Dans un geste dramatique, le président ukrainien Petro Porochenko a brandi lors d'une conférence à Munich des passeports de soldats russes entrés en Ukraine pour prouver «l'agression et la présence de troupes russes» dans son pays.

Quelques instants auparavant, le vice-président américain Joe Biden avait appelé le maître du Kremlin à montrer par «des actes, pas des paroles» qu'il était prêt à oeuvrer pour un règlement politique de la crise.

«Trop souvent, le président Poutine a promis la paix et livré des chars, des troupes et des armes», a averti M. Biden à la conférence sur la sécurité de Munich.

La chancelière allemande Angela Merkel et le président François Hollande, tout juste revenus de cinq heures de négociations au Kremlin, ont concédé qu'ils n'étaient pas sûrs de réussir dans leur initiative de paix, mais qu'il fallait aller au bout de cette «dernière chance».

«Il n'est pas certain que ces discussions aboutissent (...), mais cela vaut le coup d'essayer», a lancé Mme Merkel à Munich alors que la situation semblait de nouveau très tendue sur le terrain.

Au moins cinq soldats ukrainiens et sept civils ont péri au cours des dernières 24 heures dans l'est. Les tirs de roquettes ont aussi repris sur Debaltseve, l'un des points chauds du front, au lendemain d'une courte trêve.

L'armée ukrainienne a par ailleurs affirmé que les troupes séparatistes et «russes» étaient en train de «masser des forces pour une offensive vers Debaltseve et Marioupol», deux villes stratégiques sous contrôle de l'armée ukrainienne.

«Si nous ne parvenons pas à trouver un accord durable de paix, nous connaissons parfaitement le scénario: il a un nom, il s'appelle la guerre», a martelé le président Hollande de retour en France.

Plusieurs questions restent en suspens avant un éventuel accord, a précisé son entourage, citant notamment le «statut des territoires» conquis par les séparatistes, le «contrôle des frontières» et le «retrait des armes lourdes».

À ce propos, Petro Porochenko a martelé qu'il n'existe «qu'une seule ligne (de front), celle de l'accord de Minsk'« conclu en septembre, soit bien en deçà des positions atteintes après la dernière offensive des rebelles.

«On peut discuter du nombre de kilomètres sur lequel on peut se retirer» pour instaurer un cessez-le-feu. «C'est une question négociable. Mais nous devons nous rencontrer immédiatement, lancer le processus et arrêter les combats», a-t-il insisté avant de rentrer à Kiev.

«On n'a pas beaucoup de temps», a-t-on ajouté dans l'entourage de M. Hollande, à la veille d'une conférence téléphonique entre MM Hollande, Poutine, Porochenko et Mme Merkel.

Des chars ou la paix? 

Vladimir Poutine a affirmé pour sa part que la Russie «ne comptait faire la guerre à personne». «Mais il y a, c'est certain, une tentative de freiner notre développement par différents moyens», a-t-il pointé en allusion aux sanctions occidentales qui étranglent son économie.

Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, s'est voulu prudemment optimiste. «Il est tout à fait possible d'avoir des résultats et de tomber d'accord sur des recommandations qui permettront aux deux côtés de vraiment dénouer le conflit», a-t-il estimé à Munich.

Son homologue allemand, Frank-Walter Steinmeier, a demandé «à Moscou et Kiev de prendre les décisions nécessaires». «Nous sommes à la croisée des chemins», a-t-il insisté.

Confronté à une situation militaire et économique désastreuse, M. Porochenko est sous pression face aux séparatistes, qui réclament plus d'autonomie et la prise en compte des gains territoriaux de ces dernières semaines dans les négociations.

Les appels, notamment aux États-Unis et dans l'est de l'Europe, à livrer des armes à l'armée ukrainienne afin de rééquilibrer le rapport de forces sur le terrain alimentent aussi toutes les passions, laissant craindre un engrenage funeste.

Sans se prononcer directement sur la question, qui n'est pas encore tranchée à Washington, M. Biden a souligné que Kiev avait le droit de «se défendre» face à l'offensive des séparatistes.

Mais Paris et Berlin excluent résolument cette option. «Je ne vois pas en quoi un meilleur équipement de l'armée ukrainienne impressionnerait le président Poutine (...) Cela conduira plutôt à plus de victimes», a riposté Mme Merkel.

Les négociations visent à remettre sur les rails le protocole d'accord signé par Kiev et les rebelles à Minsk en septembre 2014 qui prévoyait un cessez-le-feu immédiat et le retrait «de tous les combattants et mercenaires du territoire ukrainien».

Après un semblant d'accalmie fin 2014, les affrontements entre rebelles prorusses et armée ukrainienne ont repris de plus belle depuis le début de l'année, faisant des centaines de morts. En dix mois de conflit, 5300 personnes ont été tuées.

Photo Tobias Hase, AP

Le président ukrainien Petro Porochenko