Le conflit en Ukraine devait être samedi au coeur des débats de la conférence sur la sécurité de Munich, au lendemain de l'aval donné par Vladimir Poutine à l'élaboration d'un plan de paix visant à mettre fin à 10 mois de guerre.

Le président français François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel ont réussi, après cinq heures de négociations au Kremlin, à obtenir du président russe son accord pour ce projet dont aucun détail n'a filtré.

Mme Merkel doit entamer la 2e journée de la Conférence internationale sur la sécurité annuelle de Munich par une intervention dans la matinée, suivie du chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, puis du vice-président américain Joe Biden et du président ukrainien Petro Porochenko.

Une trilatérale Merkel/Biden/Porochenko est prévue à la mi-journée, suivie d'entretiens entre M. Lavrov et son homologue américain John Kerry.

À Moscou vendredi soir, aucune information n'a filtré de la teneur du projet d'accord entre M. Hollande, Mme Merkel et M. Poutine. Il était donc difficile de mesurer le succès des négociations et la viabilité d'un éventuel plan de paix et sa capacité à régler le conflit qui s'est déjà soldé par la mort de plus de 5300 personnes, majoritairement des civils.

M. Hollande et Mme Merkel ont quitté en pleine nuit le Kremlin pour un aéroport moscovite dès la fin des négociations, laissant au porte-parole de Vladimir Poutine le soin d'annoncer une ébauche d'accord et un entretien téléphonique dimanche entre les présidents russe, ukrainien, français et la chancelière allemande pour parler de l'avancement du texte.

Selon le court texte lu par Dmitri Peskov, les négociations «constructives et substantielles» ont permis de se mettre d'accord sur un «possible plan commun» qui intègre les propositions de paix apportées par le couple franco-allemand, les conditions posées jeudi soir par le président ukrainien Petro Porochenko et les demandes exprimées par M. Poutine.

Moscou, tout comme Paris, Berlin et Kiev souhaitent un plan qui permette la mise en oeuvre des accords de Minsk de septembre, le seul accord de paix jusque-là signé par tous les belligérants et qui prévoit notamment un cessez-le-feu.

Un «bilan préliminaire» du travail d'écriture du plan de paix «sera fait dimanche au cours d'un entretien téléphonique dans le format dit de Normandie» entre les quatre dirigeants russe, français, allemand et ukrainien, a annoncé M. Peskov.

Mme Merkel et M. Hollande étaient arrivés vendredi à Moscou en affichant un optimisme prudent sur les chances de réussir à convaincre M. Poutine d'accepter leur plan.

Les trois dirigeants ont amorcé vers 19 h 30 (11 h 30, heure de l'Est) les négociations sans leurs délégations respectives. Les discussions ont duré, dîner compris, presque cinq heures autour d'une petite table ronde dans un salon du Kremlin.

L'initiative de paix franco-allemande, soutenue par Washington, l'Union européenne et l'OTAN, a tout de la médiation de la dernière chance après 10 mois d'un conflit qui a également provoqué une crise internationale rappelant les crispations est-ouest de la Guerre froide.

Avant de quitter Berlin, Angela Merkel avait énoncé son credo: trouver une solution ukrainienne pour défendre «la paix européenne».

«Nous nous engageons pour mettre fin au bain de sang et pour faire vivre l'accord de Minsk», le seul accord de paix pour l'instant signé par les Ukrainiens comme par les rebelles prorusses, avait ajouté la chancelière, avant de tempérer les espoirs de ceux qui pensent que la paix est proche. «Nous ne savons pas si nous allons réussir à parvenir à un cessez-le-feu, si nous allons y parvenir aujourd'hui ou s'il faudra d'autres discussions», avait-elle insisté.

Cessez-le-feu à Debaltseve 

«Chacun est conscient que le premier pas doit être le cessez-le-feu, mais qu'il ne peut pas suffire et qu'il faut aller chercher un règlement global», avait déclaré pour sa part le président français.

Jeudi soir, les deux dirigeants européens avaient exposé leur plan au président ukrainien Petro Porochenko.

Selon la présidence ukrainienne, l'initiative franco-allemande «laissait espérer un cessez-le-feu» alors qu'environ 220 personnes, en majorité des civils, ont péri dans les bombardements et les combats pendant les seules trois dernières semaines.

Illustration de l'urgence sur le terrain: la situation à Debaltseve, une ville de l'Est tenue par l'armée ukrainienne et presque encerclée par les rebelles prorusses. Vendredi, une trêve de quelques heures y a été conclue pour permettre l'évacuation en urgence dans une vingtaine d'autocars des civils pris entre les bombardements des deux camps.

Partout le long de la ligne de front, les bombardements ont été moins nombreux, première accalmie après des semaines de déchaînements de violences. Mais au moins deux soldats et un civil ont péri au cours des dernières 24 heures.

En fait de plan de paix, l'initiative franco-allemande était plutôt une «contre-proposition» de plan de paix, Vladimir Poutine ayant soumis il y a quelques jours, selon des responsables russes et américains, des idées Mme Merkel et M. Hollande. Ces derniers en ont fait part mercredi à Washington et Kiev et ont alors préparé leurs contre-propositions.

Cette «nouvelle proposition de règlement sur le conflit» garantit «l'intégrité territoriale de l'Ukraine», a assuré le chef de l'État français.

Parallèlement les États-Unis continuaient de réfléchir à la possibilité de livrer des armes à l'armée ukrainienne, qui accumule les revers dans les régions séparatistes de Donetsk et de Lougansk.

Mais en visite jeudi à Kiev, John Kerry a douché les espoirs de Kiev quant à une annonce immédiate sur la livraison d'armes à l'Ukraine en disant que Washington privilégiait «une solution diplomatique».

Barack Obama «passe en revue toutes les options dont celle de la livraison d'armes défensives» et prendra sa décision «prochainement», selon M. Kerry, afin notamment de laisser une chance au plan de paix européen.