Kiev a dénoncé vendredi l'entrée depuis la Russie de dizaines de chars et de troupes dans l'Est rebelle de l'Ukraine, une nouvelle incursion militaire russe que Washington s'est refusé à confirmer officiellement.

«Nous avons vu aujourd'hui des informations provenant d'Ukraine selon lesquelles la Russie avait fait passer en Ukraine de l'artillerie lourde, notamment des chars T-64 et des pièces d'artillerie Howitzer», a détaillé la porte-parole du département d'État Jennifer Psaki lors de son point de presse quotidien. «Si cela était confirmé, les États-Unis condamne (raient) cette toute dernière incursion en territoire ukrainien. Ce serait une nouvelle violation flagrante de l'accord de Minsk», un accord de cessez-le-feu signé début septembre, a prudemment commenté la porte-parole américaine.

Sur fond de craintes d'une nouvelle offensive rebelle, le porte-parole militaire ukrainien Andriï Lyssenko avait affirmé plus tôt que «32 chars, 16 obusiers et 30 camions militaires Kamaz avec des troupes» avaient pénétré en Ukraine depuis la Russie et se dirigeaient vers Krasny Loutch, dans la région rebelle de Lougansk.

Une autre colonne de camions, dont trois transportant des stations radar, a franchi la frontière au poste de contrôle d'Izvariné, aux mains des séparatistes, selon la même source.

Cinq soldats ont été tués et 31 personnes - seize militaires et quinze civils - blessées en 24 heures, selon les autorités, l'un des bilans les plus lourds depuis le cessez-le-feu du 5 septembre conclu à Minsk et nouveau signe d'une détérioration depuis les élections séparatistes.

Cette trêve a été mise à mal par les élections dimanche dans les régions rebelles, un scrutin reconnu de facto par Moscou et qui a poussé Kiev à prendre des mesures supplémentaires pour isoler un peu plus les zones séparatistes.

Dans un entretien téléphonique avec la chancelière allemande Angela Merkel, le président ukrainien Petro Porochenko a déploré «une remise en cause du protocole de Minsk qui entraîne une escalade ultérieure du conflit».

À Donetsk, les tirs sont devenus très nourris en début d'après-midi dans les environs de l'aéroport, se rapprochant de la gare plus près du centre, selon des journalistes de l'AFP.

La veille, 15 civils avaient été blessés par des éclats d'obus à proximité de l'aéroport, l'un des points chauds que les troupes ukrainiennes et les séparatistes prorusses se disputent depuis plusieurs mois.

Parallèlement, 150 personnes ont assisté aux obsèques de deux adolescents tués mercredi dans un bombardement ayant touché leur école près de Donetsk, un drame qui a soulevé une vive émotion, Kiev et rebelles s'accusant mutuellement d'en être responsables.

«Il ne faut pas que ça se reproduise. Il faut arrêter la guerre», a déclaré le maire de Donetsk, Igor Martynov.

«Empêcher le cancer de s'étendre»

La situation sur le terrain s'est brusquement aggravée après les élections dans ces deux régions séparatistes qui, selon Kiev et les Occidentaux, ont porté un coup au fragile processus de paix.

Moscou, qui a dit «respecter» le résultat de ces scrutins, accuse pour sa part les autorités ukrainiennes d'avoir «grossièrement piétiné» les accords de paix conclus à Minsk.

Vendredi, le vice-ministre russe des Affaires étrangères Grigori Karassine a appelé Kiev à «établir un dialogue» avec les représentants de l'Est rebelle.

Mais Kiev, qui rejette le vote séparatiste «anticonstitutionnel», mais ne semble pas être en mesure de récupérer les régions rebelles, a pris une série de mesures visant à les isoler du reste de l'Ukraine afin d'«empêcher le cancer de s'étendre», selon l'expression du président Porochenko.

Le gouvernement a imposé le contrôle des passeports autour des régions prorusses après avoir annoncé la suppression du versement d'allocations, surtout des retraites, aux habitants de l'Est s'ils ne déménageaient pas dans les territoires contrôlés par Kiev.

L'Ukraine prévoit à terme de supprimer la totalité des subventions à cette zone, qui s'élèvent, selon Kiev, à 34 milliards de hryvnias (2,5 milliard de dollars) par an.

Sur le plan international, l'Union européenne a annoncé la tenue le 17 novembre d'un conseil de ses ministres des Affaires étrangères pour discuter des sanctions contre Moscou.

Chute du rouble 

Ce sujet pourrait être abordé samedi à Pékin au cours d'une rencontre entre le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et son homologue américain John Kerry en marge des préparatifs du Forum de coopération économique Asie-Pacifique (Apec).

La Russie est déjà lourdement frappée par les sanctions occidentales prises en réaction à l'annexion en mars de la péninsule ukrainienne de Crimée après la chute du régime prorusse, et durcies après l'accident du Boeing de Malaysia Airlines abattu par un missile au-dessus de territoire contrôlé par les rebelles dans l'est de l'Ukraine.

Des restes humains ont par ailleurs été découverts jeudi par des experts néerlandais sur le site de la chute de l'avion et les travaux d'évacuation des débris de l'avion ont été suspendus, a annoncé vendredi un responsable séparatiste à Donetsk.

La monnaie russe plombée par la crise ukrainienne et la baisse des cours du pétrole s'écroulait vendredi, après une semaine cauchemardesque qui aura vu le rouble perdre plus de 10% de sa valeur.