L'Ukraine a imposé jeudi le contrôle des passeports autour de l'Est rebelle prorusse, nouvelle mesure visant à isoler physiquement et économiquement ce territoire où les combats continuent malgré un cessez-le-feu de plus en plus virtuel.

Tout Ukrainien ou étranger devra désormais présenter son passeport pour entrer dans la zone sous contrôle rebelle ou quitter ce territoire où plus de 4000 personnes ont été tuées depuis le début du conflit armé en avril, ont annoncé les garde-frontières.

Kiev a par ailleurs interdit l'accès du reste du pays aux étrangers entrés dans l'Est par la partie de la frontière ukraino-russe sous contrôle séparatiste, a précisé le service.

«C'est le territoire ukrainien. Mais puisqu'il est géré temporairement par les rebelles, nous devons introduire des contrôles», a commenté à l'AFP un haut responsable des gardes-frontières Sergui Astakhov.

«Des Russes armés pénètrent sans aucun obstacle dans cette zone du côté russe. Nous devons faire en sorte qu'ils ne puissent aller au-delà de cette région», a-t-il ajouté.

Ces décisions s'inscrivent dans le cadre du durcissement de la politique de Kiev annoncé après les élections séparatistes de dimanche, uniquement reconnues par la Russie, et qui ont, selon l'Ukraine et les Occidentaux, porté un grave coup au processus de paix.

Le président ukrainien Petro Porochenko a déclaré mardi que le pouvoir central restait attaché au plan de paix, mais qu'il mettra en place une série de mesures pour se défendre et prévenir l'expansion du conflit.

Dans la même optique, le gouvernement, confronté à une grave crise économique et dont les caisses sont vides, avait annoncé mercredi la prochaine fin d'allocations sociales pour l'Est.

Fin des subventions

En pratique, la décision du gouvernement, qui entrera en vigueur ces prochains mois, signifie que les habitants de ces régions ne pourront recevoir leurs allocations que s'ils déménagent dans les territoires contrôlés par Kiev, a expliqué à l'AFP une source au gouvernement.

Jusqu'alors, nombre de retraités vivant dans la région sous contrôle rebelle, et dont au moins une partie soutient les séparatistes en sortaient brièvement pour toucher leurs retraites, puis y retournaient.

«Maintenant c'est la fin de ce "tourisme de retraite". Ceux qui soutiennent les séparatistes peuvent rester avec eux, mais on ne va plus les payer», a indiqué à l'AFP une source gouvernementale.

L'Ukraine prévoit de couper à terme tout financement budgétaire de ces territoires, a indiqué à l'AFP un haut responsable ukrainien chargé de sécurité.

Selon le premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk, cette zone recevait jusqu'à présent quelque 34 milliards de hryvnias (environ 2,6 milliards de dollars) en subventions annuelles.

«C'est un premier pas dans la guerre économique» lancée par Kiev contre les séparatistes après avoir échoué à les vaincre militairement, a déclaré à l'AFP le politologue Taras Berezovets.

L'Ukraine était sur le point d'étouffer la rébellion avant de se heurter fin août à une puissante contre-offensive rebelle menée, selon les Ukrainiens et les Occidentaux, avec participation directe de l'armée russe.

Un cessez-le-feu instauré début septembre n'a permis qu'une baisse de l'intensité des combats, mais le bilan du conflit s'alourdit presque quotidiennement parmi les militaires et les civils.

Sur le terrain, la situation demeurait tendue jeudi, notamment dans le fief séparatiste de Donetsk où des tirs se poursuivaient sans interruption depuis plusieurs heures aux abords de l'aéroport, épicentre de combats depuis des mois, avec de temps en temps des salves d'une vingtaine de lance-roquettes multiples Grad, selon des journalistes de l'AFP.

Cette grande ville était encore sous le choc après la mort la veille de deux adolescents tués par les bombardements alors qu'ils jouaient au soccer près d'une école.

La tragédie a suscité un nouvel échange d'accusations entre l'Ukraine ayant mis en cause les rebelles et la Russie, qui a ouvert une enquête pour crimes de guerre contre les forces ukrainiennes les accusant de viser délibérément l'école.

Des journalistes de l'AFP qui ont vu deux corps recouverts d'une bâche sur les lieux mercredi soir n'étaient pas en mesure d'établir l'origine des tirs.

Des observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) devaient se rendre sur le site alors que Kiev les a appelés à établir qui sont les coupables.