L'Ukraine et la Russie se sont livrées samedi à une guerre de mots, Kiev affirmant que Vladimir Poutine veut «éliminer» le pays et Moscou accusant Washington d'attiser le conflit dans l'est séparatiste pro-russe, où des combats ont repris de plus belle.

Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, s'en est violemment pris aux États-Unis qui cherchent, selon lui, à «affaiblir et isoler la Russie» ainsi qu'à couper les liens économiques entre Moscou et l'Union européenne en prenant pour prétexte la crise ukrainienne.

Ses accusations interviennent au lendemain de l'application de sanctions américaines - qui frappent la principale banque publique russe Sberbank ainsi que les géants énergétiques Gazprom et Loukoïl - dans le sillage de mesures européennes contre une économie russe au bord de la récession.

«Washington a prouvé à plusieurs reprises que son objectif était d'aggraver le plus possible cette crise afin d'utiliser l'Ukraine comme monnaie d'échange dans sa nouvelle tentative d'isoler et d'affaiblir la Russie», a lancé M. Lavrov en soulignant que les «radicaux» dans les structures du pouvoir ukrainien, opposé au dialogue avec les régions rebelles, avaient «une carte blanche» des États-Unis.

Assaut contre l'aéroport de Donetsk

Sur le terrain, l'Ukraine a dit samedi avoir repoussé un assaut rebelle contre l'aéroport de Donetsk et un journaliste de l'AFP a fait état de bombardements intenses venant sans doute des deux côtés dans la ville de Makiïvka proche de Donetsk, bastion de la rébellion.

Cet assaut visant un lieu stratégique constitue une des plus importantes violations du cessez-le-feu scellé il y a huit jours entre Kiev et les rebelles pro-russes pour mettre fin au conflit de cinq mois, qui a fait plus de 2700 morts.

Un soldat a été tué au cours des dernières 24 heures, portant à six le nombre de morts dans les rangs ukrainiens depuis le début de la trêve, a indiqué le porte-parole militaire ukrainien, Andriï Lyssenko.

Entre-temps, un convoi humanitaire russe est arrivé samedi matin dans le bastion rebelle de Lougansk, selon les agences russes.

Même si l'envoi d'aide humanitaire aux régions orientales ukrainiennes est prévu dans l'accord de cessez-le-feu signé avec la participation de la Russie et de l'OSCE, ces convois russes en zones séparatistes constituent un élément de pression sur l'Ukraine.

Fin août, Kiev avait qualifié d'«intervention directe» l'entrée en territoire ukrainien d'un premier convoi russe similaire sans avoir obtenu le feu vert ukrainien ni celui de la Croix-Rouge.

Kiev et les Occidentaux accusent Moscou d'armer les rebelles et d'avoir envoyé fin août des troupes régulières dans l'est de l'Ukraine, ce que Moscou dément.

«De nombreux rebelles soutenus par six chars ont lancé vendredi à 19 h 30 un assaut contre l'aéroport de Donetsk qui a été héroïquement repoussé par les soldats», a annoncé samedi l'état-major de l'opération ukrainienne dans l'est.

Les rebelles ont ensuite tiré contre les positions des forces ukrainiennes qui contrôlent l'aéroport vendredi soir et samedi à l'aube, selon la même source.

Selon Iatseniouk, Poutine veut «toute l'Ukraine»

À Kiev, le premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, a estimé que la déstabilisation de l'est n'était qu'une étape du plan du président russe, Vladimir Poutine, qui cherche, selon lui, à «éliminer l'Ukraine en tant qu'État indépendant».

«Le but final de Vladimir Poutine (...) est de s'emparer de toute l'Ukraine», a-t-il lancé lors d'une conférence internationale annuelle consacrée à la stratégie pro-européenne de l'Ukraine.

Le président russe «ne peut pas accepter l'idée que l'Ukraine fasse partie de la famille européenne, il veut restaurer l'Union soviétique», a-t-il ajouté alors que Kiev va ratifier mardi l'accord historique d'association avec l'UE, concrétisant son éloignement du giron russe.

Tout en sanctionnant Moscou pour son rôle dans le conflit ukrainien, l'Union européenne lui a fait une concession majeure vendredi en acceptant de repousser à la fin 2015 l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange avec l'Ukraine, vu d'un très mauvais oeil par le Kremlin.

Dans les 15 mois à venir, les discussions se poursuivront dans un format tripartite incluant la Russie, a déclaré vendredi soir le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht.

L'UE a cependant accepté de prolonger pour la même période une forte réduction des taxes douanières sur certains produits ukrainiens à destination du marché européen.

Cherchant à faire bonne figure, M. Iatseniouk a jugé que ce n'était «pas un mauvais accord pour l'Ukraine».

Les États-Unis cherchent à «isoler» la Russie, accuse Lavrov

Le chef de la diplomatie russe s'en est pris samedi aux États-Unis, les accusant de chercher à «isoler» la Russie et à «couper» ses liens économiques avec l'UE, après l'entrée en vigueur de nouvelles sanctions européennes contre Moscou pour son implication présumée dans le conflit en Ukraine.

«Pratiquement tout ce que font les radicaux et les extrémistes ukrainiens (...) reçoit une carte blanche des États-Unis», a affirmé Sergueï Lavrov, cité dans un communiqué de la diplomatie russe, dans un entretien avec la chaîne de télévision russe TV Centre.

«Washington a prouvé à plusieurs reprises que son objectif était d'aggraver le plus possible cette crise afin d'utiliser l'Ukraine en tant que monnaie d'échange dans sa nouvelle tentative d'isoler et d'affaiblir la Russie», a estimé le ministre russe des Affaires étrangères.

Il a en outre dénoncé les efforts des États-Unis visant selon lui à «enfoncer un clou entre la Russie et l'Europe».

«L'Amérique veut profiter de la situation actuelle pour couper les liens économiques entre l'Europe et la Russie», notamment pour imposer à l'UE ses livraisons de gaz dont les prix sont nettement supérieurs à ceux du gaz russe, a déclaré M. Lavrov.

Washington souhaite «s'assurer les conditions les plus favorables dans le cadre des négociations sur la création d'un partenariat transatlantique commercial et d'investissement», a-t-il estimé.

Ainsi, les États-Unis «tentent d'imposer à l'Europe les livraisons du gaz liquéfié américain à des prix qui ne peuvent pas être concurrentiels par rapport aux prix du gaz russe», a précisé le ministre.

Il a par ailleurs accusé l'UE d'être «prête à sacrifier son économie à la politique», soulignant que Bruxelles avait décidé de préparer une nouvelle série de sanctions contre la Russie le 5 septembre, le jour où un accord sur le cessez-le-feu en Ukraine avait été signé à Minsk, «avant tout grâce à une initiative du président russe, Vladimir Poutine».

Mais «je suis sûr que cela va passer. Des voix raisonnables se font déjà entendre au sein de l'UE. Nous ne pensons absolument pas que cet éloignement puisse devenir stratégique» pour Moscou et Bruxelles, a indiqué M. Lavrov.

«La Russie est intéressée à ce que notre partenariat stratégique avec l'Union européenne se renforce et se développe», a-t-il souligné.