Le président ukrainien Petro Porochenko s'est rendu lundi à Marioupol (est), où les combats entre l'armée et les rebelles prorusses menacent une trêve durable considérée avec prudence par l'Union européenne, susceptible d'avaliser de nouvelles sanctions contre Moscou.

Vêtu de l'uniforme militaire, le président pro-européen a annoncé dans cette dernière grande ville encore sous contrôle ukrainien dans l'Est la libération de 1200 personnes capturées par les insurgés. Signe selon lui du «bon fonctionnement» d'un accord scellé vendredi à Minsk avec les séparatistes, en dépit des «dix à douze cas» quotidiens de violations du cessez-le-feu.

Il n'a pas précisé si cette libération intervenait dans le cadre d'un échange de prisonniers convenu dans le «protocole» de cessez-le-feu. Un porte-parole militaire ukrainien avait précédemment indiqué que seuls 20 soldats avaient été remis à Kiev par les rebelles.

Affirmant impossible de sortir victorieux du conflit «par les seuls moyens militaires» puisque «plus on augmente la pression, plus il y a de troupes russes sur notre territoire», M. Porochenko a de nouveau exhorté à un retrait rapide des troupes russes.

«Si l'on veut le moyen le plus rapide pour obtenir la paix et la stabilité, c'est très simple: retrait des troupes étrangères et fermeture de la frontière (...). Je pense que l'initiative de paix nous rapproche de ce résultat», a ajouté M. Porochenko.

Réunion extraordinaire de l'UE 

Kiev et les Occidentaux accusent Moscou d'une implication active dans ce conflit qui a fait près de 2.800 morts depuis près de cinq mois, selon des chiffres actualisés de l'ONU. Le Kremlin dément toute ingérence et menace de réagir si l'UE applique de nouvelles sanctions au moment où l'économie russe frôle la récession.

Le premier ministre russe Dmitri Medvedev a averti lundi que la Russie pourrait, par exemple, interdire aux compagnies aériennes occidentales le survol de son territoire pour les liaisons entre l'Europe et l'Asie, entraînant pour celles-ci de lourds surcoûts.

Mais alors que l'Union européenne devait avaliser lundi un nouveau train de mesures contre la Russie, pour continuer de faire pression sur Vladimir Poutine accusé de souffler le chaud et le froid, un soudain désaccord au sein des 28 pays membres de l'UE a provoqué la convocation d'une réunion extraordinaire lundi soir.

La réunion doit porter «sur les modalités d'application des sanctions», censées entrer en vigueur avec leur publication prévue mardi au Journal officiel de l'UE, a précisé une source diplomatique, sans dire quel pays, ou groupe d'États, était à l'origine du blocage.

Signe de la fragilité de la trêve sur le terrain, selon le président ukrainien les rebelles ont commencé à tirer sur des postes de contrôle à la périphérie de Marioupol en apprenant qu'il devait se rendre pour la première fois dans ce port depuis le début du conflit: «ils pensaient qu'ils m'effrayeraient. Mais personne n'a peur d'eux», a-t-il écrit.

«Ceci est notre terre»

«Ceci est notre terre ukrainienne, nous ne la donnerons à personne», a également affirmé M. Porochenko.

Ces derniers jours et en dépit du cessez-le-feu, des combats ont éclaté en plusieurs points proches de Marioupol entre insurgés et forces ukrainiennes qui ont repoussé les attaques, selon l'armée. Une femme a été tuée par des tirs dans la nuit de samedi à dimanche et trois personnes ont été blessées.

Interrogé par l'AFP lundi, le commandant d'un barrage à la sortie est de la ville a indiqué , sous couvert d'anonymat, que «des missiles Grad sont tombés ici pendant la nuit. À 2 kilomètres d'ici ,il y a eu des combats rapprochés».

«Nous renforçons le barrage», a-t-il ajouté, tandis que trois bulldozers renforçaient apparemment les tranchées de défense.

Les habitants, eux, luttaient contre le stress. «Des calmants: c'est avec ça que nous tenons», dit à l'AFP Vera, une retraitée. «Tout le monde ici vit dans le stress comme moi. Qu'ils (les séparatistes) aillent au diable!»

L'accord de cessez-le-feu signé vendredi dans la capitale bélarusse entre Kiev, les séparatistes et Moscou, constitue une victoire - au moins temporaire - pour Vladimir Poutine mais aussi un moindre mal pour l'Ukraine, épuisée militairement et financièrement par les combats, selon des analystes.

«Avec l'aide de la Russie, les prorusses ont obtenu une supériorité militaire qui se transforme aujourd'hui en supériorité politique. C'était l'objectif de Poutine depuis le début: avoir des leviers lui permettant de dicter à l'Ukraine ses conditions, non seulement pour ce qui est de l'est du pays mais pour toute sa politique», estimait ainsi la politologue Maria Lipman.