À la veille d'un grand sommet de l'OTAN au pays de Galles, le ministre ukrainien de la Défense a lancé un cri du coeur sur son compte Facebook. «Dans notre maison est venue une grande guerre, comme l'Europe n'en a pas vu depuis la Seconde Guerre mondiale», a écrit Valeriy Heletey. Est-ce le cas?

Q: Le conflit ukrainien est-il le pire conflit européen depuis la Seconde Guerre mondiale?

R: Titulaire de la Chaire en études ukrainiennes de l'Université d'Ottawa, Dominique Arel note que le conflit en Ukraine, qui perdure depuis le mois d'avril, n'a pas encore atteint les proportions des guerres en ex-Yougoslavie, qui ont fait plus de 140 000 morts. «Il y a là une certaine exagération», note le spécialiste. La situation est néanmoins fort préoccupante. Les Nations unies estiment que 2600 personnes sont mortes et que 340 000 autres ont été déplacées dans le conflit qui oppose l'armée ukrainienne à des séparatistes prorusses et - selon les autorités ukrainiennes - l'OTAN et les États-Unis aux forces russes elles-mêmes. L'OTAN estime à 1000 le nombre de soldats russes déployés dans l'est de l'Ukraine. Le gouvernement ukrainien estime être en guerre contre la Russie, et non plus contre les séparatistes prorusses.

Q: Que répond Moscou?

R: Vladimir Poutine nie toute implication de l'armée russe dans les événements des dernières semaines, et ce, malgré les rapports journalistiques sur le terrain. Il continue à plaider pour une solution négociée. «Ce qui est inquiétant, c'est que Poutine est de plus en plus erratique dans ses propos. Il est difficile de comprendre ce qu'il recherche», note Dominique Arel. Hier, les proches du président russe ont tancé le commissaire européen José Manuel Barroso pour avoir cité le président russe hors contexte. Ce dernier aurait dit, lors d'une réunion à huis clos, qu'il peut «prendre Kiev en deux semaines».

Q: Que peut faire l'OTAN?

R: Organisation de sécurité issue de la Guerre froide, l'OTAN compte aujourd'hui, parmi ses 28 membres, 11 pays de l'ancienne zone d'influence soviétique. Plusieurs de ces pays, dont les pays baltes et la Pologne, s'inquiètent des intentions de Moscou. Dès demain, au cours d'un sommet qui aura lieu à Newport, au pays de Galles, l'OTAN prévoit de mettre sur pied une force d'intervention rapide qui pourrait venir en aide à ses membres en 48 heures sans pour autant mettre en place des bases permanentes - une mesure qui violerait un pacte conclu avec la Russie en 1997. L'OTAN exclut pour le moment de lancer une attaque conjointe avec l'Ukraine, qui ne fait pas partie de ses membres.

Q: Des négociations sont-elles possibles pour mettre fin au conflit?

R: Lundi, un nouveau round de négociations a eu lieu à Minsk. Les rebelles séparatistes prorusses ont alors affirmé qu'ils abandonnent l'idée d'un État indépendant, mais ils demandent l'autonomie de l'est de l'Ukraine. Les pourparlers doivent reprendre vendredi. Selon Dominique Arel, ces négociations sont illusoires tant que le gouvernement russe n'est pas le principal interlocuteur du gouvernement ukrainien. «Ce sont les chargés de pouvoir qui peuvent négocier», dit l'expert.