L'ambassadeur russe à l'ONU a appelé mardi le Conseil de sécurité à «prendre des mesures d'urgence» devant la détérioration de la situation humanitaire dans l'est de l'Ukraine, où d'intenses combats opposaient forces ukrainiennes et séparatistes prorusses à Donetsk, en quasi état de siège.

La Russie, qui avait demandé cette réunion du Conseil, convoquée à la dernière minute, a qualifié de «désastreuse» la situation à Donetsk et Lougansk et a déploré que Kiev «continue d'intensifier ses opérations militaires».

Les combats faisaient rage dans l'extrême ouest de la ville, principal fief des insurgés, où les habitants entendaient de «fortes explosions» et «échanges de tirs», a indiqué la mairie qui a fait état de «deux morts civils, selon les premières informations». Des explosions retentissaient en périphérie sud-ouest de Donetsk, d'où s'élevaient des colonnes de fumée, a constaté une journaliste de l'AFP.

Les combats s'intensifient depuis plusieurs jours autour de Donetsk, la plus grande ville du bassin houiller du Donbass - un million d'habitants avant les hostilités -, faisant craindre un assaut et le risque de combats particulièrement meurtriers.

A Kiev, un porte-parole militaire, Andriï Lyssenko, a confirmé que les forces ukrainiennes s'étaient «approchées» des quartiers périphériques de Donetsk.

«Cela ne veut pas dire qu'un assaut est en cours, pour l'instant, il s'agit de préparer la libération de la ville», a-t-il dit. Selon lui, les forces ukrainiennes s'étaient retirées mardi de la localité stratégique de Iassynouvata, à 20 km au nord de Donetsk, reprise aux insurgés dimanche, «pour ne pas exposer au danger la population civile».

La stratégie affichée par Kiev est d'isoler les insurgés à Donetsk jusqu'à épuisement de leurs ressources. L'objectif est de les couper de la frontière russe par laquelle transitent, selon l'Ukraine et les Occidentaux, armes et combattants, ce qui explique les sanctions économiques sans précédent imposées à la Russie.

Son président Vladimir Poutine a ordonné au gouvernement de préparer des ripostes, tandis que son Premier ministre Dmitri Medvedev a reconnu que les sanctions occidentales, contre des pans entiers de l'économie, pourraient pousser Moscou à augmenter les impôts.

Un obus explose dans un «couloir humanitaire» 

L'état-major ukrainien a appelé les civils à fuir les zones rebelles et a défini des «couloirs humanitaires» à cet effet dans Donetsk, où il demande aux insurgés de respecter un cessez-le-feu.

Mais comme l'ont montré l'explosion d'un obus quasiment au bord de la route et les échos assourdissants des combats dans une localité voisine, le «couloir humanitaire» défini par Kiev et emprunté mardi par des journalistes de l'AFP est plein de dangers.

«Nous n'arrêtons personne, tout le monde est libre de fuir», a affirmé un rebelle à un barrage situé sur l'une de ces artères, où l'AFP a vu des dizaines de véhicules transportant notamment des personnes âgées. Une grande partie de la population a déjà quitté la ville, aux rues désertes et aux magasins fermés.

Selon l'ONU, au moins 285 000 personnes ont fui l'est de l'Ukraine, en majorité (168 000) en direction de la Russie, et le mouvement s'amplifie, atteignant 1200 personnes par jour depuis deux semaines.

Le sort des civils suscite une inquiétude croissante, notamment à Lougansk, agglomération privée d'eau et d'électricité.

L'ONG Human Rights Watch a reproché aux séparatistes, en occupant des hôpitaux et en s'emparant d'ambulances et de médicaments, d'empêcher les soins aux civils. Elle a aussi réclamé des enquêtes sur des tirs d'artillerie, apparemment des forces ukrainiennes, qui ont frappé au moins cinq hôpitaux depuis juin en zone rebelle.

Les Occidentaux ont rejeté sur Moscou la responsabilité de la détérioration de la situation humanitaire dans l'est de l'Ukraine, dénoncée mardi soir par l'ambassadeur russe à l'ONU Vitali Tchourkine qui a appelé le Conseil de sécurité à «prendre des mesures d'urgence».

«La Russie peut mettre fin à tout ça» en arrêtant de soutenir les séparatistes et en les obligeant à «déposer les armes et à appliquer le plan de paix du président (ukrainien Petro) Porochenko», a répliqué la représentante adjointe américaine Rosemary DiCarlo.

Soldats russes massés à la frontière 

A la frontière, la pression s'est accrue avec le début de manoeuvres militaires russes impliquant plus de 100 avions de combat, dénoncées par Kiev comme une «provocation». M. Lyssenko a évalué à 45 000 le nombre des soldats russes massés à la frontière ukrainienne.

Washington, qui juge que ces exercices «ne servent qu'à faire monter les tensions», a en outre affirmé avoir de nouvelles preuves que la Russie «fournit aux séparatistes des armes et du matériel et qu'elle les entraîne». De plus, «des forces russes supplémentaires continuent d'arriver le long de la frontière ukrainienne et la Russie poursuit le repositionnement de ses forces à travers la région», s'est encore inquiété le département d'État.

Le fossé entre les Occidentaux et Moscou s'est encore creusé depuis la destruction en vol par un missile en zone rebelle le 17 juillet d'un avion de Malaysia Airlines avec 298 personnes à bord. Environ 110 experts néerlandais, australiens et malaisiens ont poursuivi leurs recherches de restes humains.

Le Japon et la Suisse ont annoncé de nouvelles sanctions contre des personnalités et entreprises, séparatistes ou russes, accusés de contribuer à déstabiliser la situation en Ukraine.