D'intenses efforts diplomatiques se poursuivent mardi pour tenter d'arracher un accord de paix en Ukraine, avec notamment une visite du président russe Vladimir Poutine à Vienne, après l'espoir suscité par l'acceptation d'un cessez-le-feu et de négociations par les rebelles prorusses.

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, rencontre mardi à Kiev le président ukrainien Petro Porochenko, tandis que Vladimir Poutine - auquel les Occidentaux demandent de peser de tout son poids sur les insurgés séparatistes pour faire cesser les combats, se rend à Vienne.

Le président russe doit rencontrer son homologue Heinz Fischer, le premier ministre Werner Faymann, et Didier Burkhalter, président en exercice de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dont la conférence annuelle s'ouvre mardi en présence notamment du nouveau ministre ukrainien des Affaires étrangères Pavlo Klimkine.

Parallèlement à Bruxelles, débute mardi en soirée une réunion de deux jours des ministres des Affaires étrangères des pays de l'OTAN, qui devraient aussi discuter de la crise en Ukraine.

Cet intense ballet diplomatique se déroule après une annonce-surprise d'un dirigeant séparatiste prorusse.

«En réponse au cessez-le-feu décrété par Kiev, nous nous engageons aussi à un cessez-le-feu de notre côté», a déclaré lundi Oleksandr Borodaï, principal leader de la république autoproclamée séparatiste de Donetsk, l'un des bastions insurgés. «Ce cessez-le-feu durera jusqu'au 27 juin» (vendredi), a-t-il ajouté.

Les services de sécurité ukrainiens ont confirmé lundi soir que les combats dans les deux régions industrielles russophones qui ont été le théâtre des plus âpres affrontements ces dernières semaines ont connu une soudaine accalmie lundi en fin d'après-midi.

«Nous espérons que durant cette période au cours de laquelle les deux parties vont observer un cessez-le-feu, nous pourrons débuter des consultations sur la tenue de négociations pour une solution pacifique au conflit», a en outre déclaré M. Borodaï.

Le président pro-occidental ukrainien avait décrété un cessez-le-feu unilatéral d'une semaine vendredi pour permettre aux rebelles de déposer les armes et d'ouvrir un dialogue avec les insurgés n'ayant commis «ni meurtre ni torture», dans le cadre d'un ambitieux plan de paix, soutenu par Moscou.

Menacé de sanctions par Washington, Vladimir Poutine a affirmé à Barack Obama lundi qu'une «cessation véritable des combats» était de «la plus haute priorité» pour une désescalade.

«Semaine cruciale pour l'Ukraine»

La pression sur la Russie a redoublé ces derniers temps, le chef de la diplomatie allemande Frank-Walter Steinmeier soulignant qu'il s'agissait «d'une semaine cruciale pour l'Ukraine».

Barack Obama a menacé lundi son homologue russe de nouvelles sanctions si Moscou ne parvenait pas à stopper l'entrée d'armes en Ukraine et à retirer son soutien aux séparatistes, a rapporté la Maison-Blanche.

«Il y a une série d'informations faisant état de chars et de lance-roquettes qui franchissent la frontière depuis la Russie vers l'Ukraine», a accusé lundi la porte-parole de la diplomatie américaine, Marie Harf. «Nous avons vu des preuves d'un appui militaire russe continu aux séparatistes», a-t-elle encore dit.

L'Union européenne a également exhorté lundi la Russie à soutenir sans délai le plan de paix proposé par les autorités ukrainiennes, qui doivent signer vendredi le dernier volet d'un accord historique d'association avec l'UE l'éloignant du giron russe.

Le plan de paix du président ukrainien Petro Porochenko représente «une chance importante pour la désescalade», ont tous affirmé les ministres des Affaires étrangères des 28 États membres réunis à Luxembourg.

Pour que le processus ait une chance de s'enclencher, «nous avons besoin que la Russie monte à bord», avait insisté le nouveau ministre ukrainien des Affaires étrangères, Pavlo Klimkine.

Les combats entre les troupes ukrainiennes et les insurgés, qui ont proclamé leur indépendance dans deux régions de l'est, ont fait depuis avril au moins 375 morts et menacent l'unité de l'ancienne république soviétique, après le rattachement de la Crimée à la Russie en mars.

Le cessez-le-feu décrété par Kiev avait jusqu'à présent été rejeté par les rebelles, considérant qu'il ne s'agissait que d'un «stratagème» et les combats se sont poursuivis, les autorités ukrainiennes dénombrant lundi matin «plus de 20 attaques» rebelles depuis l'entrée en vigueur de cette mesure.

Lundi encore, des soldats ukrainiens étaient encerclés par les rebelles après une tentative de reprise du poste frontière d'Izvarino, près de Lougansk, une situation témoignant de la poursuite de la guerre pour le contrôle de la frontière.

«Ils n'ont aucune chance de s'en sortir: ils sont encerclés, ils n'ont plus ni eau ni nourriture», a affirmé à l'AFP un chef local des rebelles, Alexandre, 54 ans.

Le plan de paix de M. Porochenko inclut la création d'une zone tampon de 10 kilomètres à la frontière entre l'Ukraine et la Russie, et un couloir pour les mercenaires russes présents en Ukraine, selon Kiev, leur permettant de rentrer en Russie une fois leurs armes déposées.

Il propose aussi la décentralisation du pouvoir et la protection de la langue russe par le biais d'amendements à la Constitution.

Bataille pour le contrôle de la frontière avec la Russie

Sur le terrain, des soldats ukrainiens étaient encerclés lundi par les rebelles prorusses après une tentative de reprise du poste-frontière d'Izvarino, près de Lougansk : la guerre pour le contrôle de la frontière avec la Russie continue dans l'est de l'Ukraine.

Les rebelles prorusses, qui rejettent l'autorité de Kiev et ont proclamé l'indépendance de deux régions dans l'est, se sont emparés de plusieurs postes à la frontière avec la Russie depuis le 5 juin et ont pris vendredi le contrôle d'Izvarino, à une cinquantaine de kilomètres de Lougansk, une place forte des séparatistes.

«Les Ukrainiens comptaient sur une opération éclair pour reprendre Izvarino. Mais les choses ont tourné différemment. Maintenant, ils n'ont aucune chance de s'en sortir : ils sont encerclés, ils n'ont plus ni eau ni nourriture», a affirmé lundi à l'AFP un chef local des rebelles, Alexandre, 54 ans, qui se présente comme le commandant des forces de la région de Krasnodon, près d'Izvarino.

À environ 10 km d'Izvarino, en pleine nature, trois blindés ukrainiens sont à peine visibles de loin, postés sur une colline. Après deux jours d'affrontements avec les rebelles prorusses, cette unité s'est réfugiée sur une hauteur difficilement accessible et apparemment bien protégée.

Pour s'en approcher, le seul moyen est d'emprunter un petit chemin de terre, loin de toute habitation. En marchant, un journaliste de l'AFP sent quelque chose qui entrave sa marche et remarque un petit fil rouge sur son pantalon. En regardant attentivement le sol, on découvre alors deux autres fils rouges tendus, à peine visibles, un dispositif vraisemblablement destiné à avertir les militaires ukrainiens de l'arrivée d'un intrus dans le périmètre surveillé.

200 km de frontière

«Ils sont bien défendus par des snipers», avait par ailleurs prévenu le «commandant» Alexandre, dans son état-major à Krasnodon, une ville située à une quinzaine de kilomètres du poste-frontière d'Izvarino.

À Lougansk, la capitale de la «République populaire de Lougansk» autoproclamée par les séparatistes, le porte-parole des rebelles, Vladimir Inogorodski se félicite de la situation : «Nous contrôlons aujourd'hui environ 200 km de frontière avec la Russie, soit à peu près la moitié de la totalité de cette frontière», a-t-il indiqué à l'AFP.

M. Inogorodski a affirmé que «seule de l'aide humanitaire arrive de Russie, de la nourriture et des médicaments, mais pas d'aide militaire», contrairement à ce que dénoncent régulièrement les autorités de Kiev et les Occidentaux.

Les autorités ukrainiennes accusent la Russie de laisser passer par cette frontière des camions chargés d'hommes armés et du matériel militaire, y compris des blindés, pour aider les séparatistes.

Alors que jusqu'à ces dernières semaines des affrontements armés opposaient régulièrement les gardes-frontières ukrainiens à ces convois venus de Russie, Kiev ne dispose plus aujourd'hui d'aucune force susceptible d'empêcher ces passages de Russie en Ukraine.

Après la prise du contrôle du poste d'Izvarino, les rebelles ont nettement accru leur avantage et semblent prendre le dessus dans la guerre pour le contrôle de la frontière avec la Russie.

Dès le début du conflit armé dans l'est de l'Ukraine, les rebelles avaient lancé de multiples attaques contre les postes-frontière afin de s'assurer une libre circulation avec la Russie.

-Avec Nicolas MIiletitich