Le nouveau président ukrainien a ordonné mardi la création de couloirs humanitaires, réclamés par Moscou, dans les zones de combat dans l'Est séparatiste, créant selon l'Allemagne «une nouvelle atmosphère» qui fait espérer une désescalade dans la crise.

«J'ai vu que toutes les parties étaient prêtes à agir pour une désescalade de la crise en Ukraine», a déclaré le ministre allemande des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier à l'issue de pourparlers avec ses homologues russe Sergueï Lavrov et polonais Radoslaw Sikorski à Saint-Pétersbourg (Russie).

«Je ne dis pas que nous avons déjà trouvé une issue à la crise, mais l'escalade a laissé place à une nouvelle atmosphère», a ajouté M. Steinmeier. «Nous voyons le bout du tunnel».

Sur le dossier gazier, une nouvelle réunion à Bruxelles entre la Russie et l'Ukraine devait débuter mardi soir, mais elle a été reportée à mercredi matin, et le commissaire européen à l'Energie, qui participe aux négociations, n'entrevoit pas un accord avant «plusieurs jours».

Discutant depuis dimanche avec la Russie avec la médiation de l'OSCE des moyens de d'apaiser le pire conflit Est-Ouest depuis la fin de la Guerre froide, le président ukrainien Petro Porochenko a ordonné la création de couloirs humanitaires permettant aux civils qui le désirent de quitter «la zone de l'opération anti-terroriste afin d'éviter de nouvelles victimes».

Les forces ukrainiennes mènent depuis le 13 avril une opération qualifiée par Kiev d'«anti-terroriste» pour tenter de réduire l'insurrection armée prorusse dans l'Est. Les combats ont déjà fait plus de 200 morts, rebelles, soldats et civils.

L'initiative de M. Porochenko correspond à un souhait de la Russie émis début juin dans un projet de résolution à l'ONU, alors que des ONG dénoncent l'utilisation d'armes lourdes par l'armée ukrainienne dans des zones habitées.

«Nous saluons cette décision. Il s'agit d'un pas dans la bonne direction», a réagi le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.

L'un des leaders de la «république de Donestk» autoproclamée, Andriï Pourguine, a cependant accueilli avec scepticisme l'annonce de M. Porochenko. «Nous en avons entendu parler, mais nous avons des doutes quant à la mise en oeuvre de ce plan», a-t-il déclaré, cité par l'agence de presse russe Interfax.

Quatre jours après son bref entretien en France avec le président russe Vladimir Poutine, qui a créé un espoir de désescalade, M. Porochenko semble vouloir rapidement apaiser les relations avec Moscou et s'est donné une semaine pour obtenir un retour au calme dans l'Est.

Dans une interview au magazine américain Time, M. Porochenko a déclaré qu'il était impossible de rétablir la sécurité en Ukraine sans «un dialogue» avec la Russie.

L'aéroport de Lougansk attaqué 

Sur le terrain, deux soldats ukrainiens ont été blessés par des tirs séparatistes près de Slaviansk, bastion des insurgés, a annoncé mardi Vladislav Seleznev, le porte-parole de l'opération militaire ukrainienne.

L'administration régionale de Donetsk a rapporté mardi la mort d'une fillette et d'un garçon âgés respectivement de 12 et six ans à Slaviansk à la suite de blessures par des éclats d'obus.

Les rebelles prorusses ont une nouvelle fois attaqué au mortier mardi l'aéroport international de Lougansk, dans l'Est, jusqu'à présent contrôlé par les forces loyales à Kiev.

Les insurgés ont concentré des forces autour de l'aéroport. «Nous attendons des renforts», a déclaré à l'AFP par téléphone un parachutiste de l'unité qui assure la défense de l'aéroport.

Les forces de la «République de Lougansk», qui se sont emparées la semaine dernière de plusieurs postes-frontière avec la Russie, contrôlent actuellement la plus grande partie de cette région qui, avec celle de Donetsk, est l'un des poumons industriels de l'Ukraine.

L'aéroport de Donetsk, attaqué par les rebelles fin mai, a été repris par les forces gouvernementales à l'issue d'une contre-attaque, avec l'intervention d'avions de combat et d'hélicoptères, qui a fait une quarantaine de morts du côté des séparatistes, la plupart de nationalité russe.

«Ce serait naïf de croire que le Donbass sera pacifié en une semaine. Un cessez-le-feu est possible si les négociations avec la Russie sont fructueuses, mais cela ne veut pas dire que l'affrontement s'arrête et que la paix s'installe», a déclaré à l'AFP l'analyste politique ukrainien Volodymyr Fessenko.

Sur le front gazier, les négociations tripartites Ukraine-Russie-Union européenne auraient dû reprendre mardi à Bruxelles, alors que Moscou menace Kiev d'une coupure du gaz, redoutée par l'UE.

Mais la Commission européenne a annoncé dans la soirée que la réunion était reportée à mercredi matin.

Et le commissaire européen à l'Energie Gunther Oettinger, qui participe aux négociations avec les représentants de la Russie et de l'Ukraine, a souligné qu'il faudrait encore «plusieurs jours» avant de parvenir à un accord.

«Cela va prendre plusieurs jours», a déclaré M. Oettinger. «Un accord sera atteint peut-être ces prochains jours mais pas cette nuit».

Environ 15% du gaz consommé sur le Vieux continent transite par l'Ukraine.

L'Ukraine refuse d'honorer sa dette gazière, qui s'élève à 4,5 milliards de dollars, et réclame une baisse de près de la moitié du prix, fixé actuellement par le groupe russe Gazprom à 485 dollars les 1000 mètres cubes, le prix le plus élevé en Europe.