Le futur président ukrainien Petro Porochenko a annoncé lundi qu'il poursuivrait l'opération militaire contre les insurgés prorusses pour les empêcher de transformer l'est du pays en «Somalie», alors que la Russie s'est dite «prête au dialogue» avec le nouveau président.

Dans la région séparatiste de Donetsk, les insurgés ont accueilli l'élection du milliardaire prooccidental et son annonce qu'il se rendrait dans l'est en prenant le contrôle d'un site stratégique, l'aéroport de Donetsk, désormais fermé et sous bonne garde. Tous les vols y ont été annulés.

Donné vainqueur au premier tour de la présidentielle avec presque 54 % des suffrages, selon les premiers résultats officiels, le milliardaire prooccidental, qui suscite les attentes énormes des Ukrainiens et des Occidentaux pour régler la crise politique qui enfle depuis plus de six mois, a confirmé l'orientation qu'il comptait donner à sa politique: en route vers l'intégration européenne.

Premier signe de sa volonté d'accrocher l'Ukraine à l'Europe: une «très probable» visite dès le 4 juin à Varsovie où l'a invité le président Bronislaw Komorowski.

Poursuite de l'opération militaire dans l'est 

Il a également indiqué souhaiter conserver à son poste le premier ministre par intérim Arseni Iatseniouk qui dirige depuis le 27 février le gouvernement et a négocié avec les Occidentaux une aide de 27 milliards de dollars à l'Ukraine.

Le futur président a par ailleurs prôné la poursuite de l'«opération antiterroriste» lancée le 13 avril, mais de manière «plus brève et plus efficace».

«Ceux qui refusent de déposer les armes sont des terroristes et on ne négocie pas avec les terroristes. Leur objectif est de transformer le Donbass en Somalie», a lancé M. Porochenko au cours d'une conférence de presse. «Je ne laisserai personne faire ceci sur le territoire de notre État. J'espère que la Russie soutiendra mon approche».

Dans sa première réaction depuis la fin du scrutin, la Russie s'est dite «prête au dialogue avec Petro Porochenko», sans toutefois indiquer qu'elle reconnaissait la légitimité du nouveau président.

«Nous sommes prêts à un dialogue pragmatique, sur un pied d'égalité, basé sur le respect de tous les accords, en particulier dans le domaine commercial, économique et gazier et en ayant en vue la recherche de solutions aux problèmes existant actuellement entre la Russie et l'Ukraine», a indiqué le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov.

Il a par ailleurs estimé qu'une poursuite des opérations militaires serait une «erreur colossale».

Berlin, un des «parrains» européens de l'Ukraine, espère pour sa part que Moscou va respecter le résultat de l'élection.

Tâche titanesque 

Au soir de son élection, Petro Porochenko, deux fois ministre de précédents gouvernements, n'avait pas attendu les résultats officiels pour détailler les premières mesures qu'il prendra en tant que chef de l'État: «ramener la paix en Ukraine» et convoquer dès cette année des élections législatives anticipées.

Un travail titanesque attend le futur président qui devra gérer tout autant la rébellion prorusse dans l'est que la quasi-faillite de l'économie ukrainienne, ainsi que des réformes économiques impopulaires imposées en échange de l'aide de 27 milliards de dollars consentie par le FMI, la Banque mondiale et l'Union européenne.

Le cinquième président de l'Ukraine indépendante devra également négocier avec la Russie sur la dette gazière que son pays a contractée auprès d'elle, un dossier qui inquiète les Européens, tributaires du gaz russe.

M. Porochenko a largement devancé l'égérie de la Révolution orange de 2004, Ioulia Timochenko, qui n'a recueilli que 13 % des voix.

Le sociologue Valéri Paniotto a expliqué l'ampleur de la victoire de M. Porochenko par le phénomène de vote utile pour les Ukrainiens «qui voulaient que la présidentielle se termine au premier tour» pour donner plus de légitimité au président, mais surtout à sa fonction.

Le scrutin, soutenu par les Occidentaux, s'est déroulé après six mois d'une crise politique sans précédent, marquée par la sanglante répression du mouvement proeuropéen de contestation de Maïdan, le rattachement express de la Crimée à la Russie et une insurrection armée prorusse qui a pratiquement coupé l'est russophone du reste de l'Ukraine.

L'élection avait pour toile de fond un affrontement géopolitique entre les Occidentaux et Vladimir Poutine dont le pays fait un grand retour sur le devant de la scène internationale.

Globalement, l'élection n'a pas pu se dérouler dans l'est, entre peur des gens d'aller voter, commissions électorales locales sous le contrôle des séparatistes et tout simplement en raison de l'absence d'urnes et de bulletins dans certains bureaux de vote.